¡°Authenticum charismatis¡±: un motu proprio pour le bien de toute l'?glise
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani ¨C Cité du Vatican
Sur le papier, seuls quelques mots sont modifiés. Dans les faits, les changements induits sont importants, redéfinissant le rôle joué par le Saint-Siège et par les évêques diocésains dans la reconnaissance d¡¯une communauté de vie apostolique.
Le motu proprio Authenticum charismatis démontre aussi une volonté de renforcer l¡¯unité de l¡¯Église et le souci du bien de tous les fidèles, comme nous l¡¯explique Mgr Patrick Valdrini, professeur émérite de droit canonique à l¡¯Université pontificale du Latran.
Que change ce nouveau motu proprio?
Il change le canon 579 qui s¡¯appliquait lorsqu¡¯un évêque diocésain, sur son territoire, érigeait un institut de vie consacrée. Dans ce cas-là, il émane un décret formel, et avant, l¡¯évêque consultait le Saint-Siège. Maintenant, avec le nouveau canon, ce n¡¯est pas un avis qui est donné par le Saint-Siège après consultation, mais il faut avoir reçu ce qu¡¯on appelle en latin la licenzia - dans le Code de Droit canonique traduit en français, on dit «autorisation» en général. Cela veut dire que le Saint-Siège, qui avant ne donnait qu¡¯une consultation, pouvait ne pas être suivi par l¡¯évêque diocésain. Maintenant, avec le terme licenzia, le Saint-Siège donne sa décision, et cette décision s¡¯impose. Donc si le Saint-Siège est d¡¯accord pour l¡¯érection d¡¯un institut de vie consacrée, il sera érigé. S¡¯il n¡¯est pas d¡¯accord, il ne sera pas érigé. Auparavant, un évêque pouvait consulter le Saint-Siège et ne pas suivre un éventuel avis négatif.
Peut-on dire que cela va renforcer un travail en commun entre le Saint-Siège et les diocèses, un discernement commun?
Les Églises particulières ne sont pas simplement soumises au Saint-Siège, et le Saint-Siège n¡¯est pas une autorité supérieure qui traite les Églises comme si elles étaient les éléments d¡¯un système hiérarchique. Il y a entre les évêques diocésains et le Saint-Siège des relations constantes, dites «de communion», de recherche de ce qui est le meilleur pour l¡¯Église catholique, de plus rationnel, opportun. Il faut donc entendre les relations entre le Saint-Siège et les Églises particulières en termes de coopération. Il est vrai que lorsqu¡¯un dossier arrive dans un Dicastère, il est étudié, il est apprécié, et que c¡¯est une forme de contrôle. Mais l¡¯élément de fond qui explique ce contrôle, c¡¯est la coopération pour le meilleur de l¡¯Église.
Pouvez-vous nous rappeler quels éléments ont poussé à cette modification du droit canonique?
Quand l¡¯évêque reçoit une demande d¡¯un groupe, lui demandant d¡¯ériger un institut de vie consacrée, en général il y a un fondateur, qui présente ce que l¡¯on appelle un «charisme originaire». Qu¡¯est-ce qu¡¯un charisme? C¡¯est un don de l¡¯Esprit Saint. Ce n¡¯est pas la personne qui doit dire «c¡¯est un charisme». La qualification du charisme est une ?uvre ecclésiale. Quand la personne a présenté ce chemin de sainteté et qu¡¯elle veut institutionnaliser ce chemin pour qu¡¯il soit ensuite offert à d¡¯autres, et que des personnes entrent dans cette institution pour y réaliser une vie radicale de chrétien, l¡¯Église a une très grande responsabilité, car elle va accepter que des personnes donnent toute leur vie de cette manière. Donc elle fait un travail que l¡¯on appelle «de discernement». Le texte a cette très belle expression, de «discernement sur l¡¯ecclésialité». L¡¯Église examine de manière extrêmement précise les statuts, en particulier pour voir comment s¡¯organise les relations entre les personnes. Le Saint-Siège se met dans le processus d¡¯érection des instituts de vie consacrée diocésains pour renforcer le travail de l¡¯Église sur l¡¯évaluation du charisme.
Un point technique: est-ce que ce sera rétroactif?
Normalement non, car la règle en droit canonique est que lorsqu¡¯une loi est rétroactive, on le dit.
Pensez-vous que ce motu proprio va susciter une réflexion autour de la notion de «charisme» dans les communautés actuelles?
Les communautés n¡¯ont pas de gros problème avec le charisme. Cela va aider à comprendre que toute volonté d¡¯offrir un chemin de sainteté, tout élan spirituel, toute doctrine qui attire des personnes n¡¯est pas forcément un charisme. Cela renforce cet aspect qui pour moi est fondamental: c¡¯est l¡¯Église qui qualifie l¡¯?uvre d¡¯une personne, ses propositions, ses écrits ¨C le charisme. Mais ce n¡¯est pas la personne.
Au-delà d¡¯un aspect relatif au droit canonique, qu¡¯est-ce que l¡¯Église veut modifier, consolider avec ce motu proprio?
L¡¯élément fondamental est vraiment le discernement sur l¡¯ecclésialité. Il y a aussi la fiabilité, la fiabilité des charismes. L¡¯Église a en charge le bien des fidèles, le bien des personnes. Au fond, ce motu proprio est une démonstration du fait que l'Église est responsable et qu¡¯elle veut exercer sa responsabilité de la meilleure manière. Certaines personnes ont dit que c¡¯était un renforcement du contrôle par le Saint-Siège: oui c¡¯est cela, mais dans un sens positif, pour que le discernement soit meilleur.
Il y a aussi un grand besoin d¡¯unité: une Église particulière est très autonome dans l¡¯Église. Nous sommes à une période où l¡¯unité de l¡¯Église doit être constamment renforcée, elle doit être protégée. Donc c¡¯est aussi un motu proprio qui donne au Saint-Siège des moyens de garantir une unité de l¡¯Église, unité dans la manière dont les personnes aujourd¡¯hui peuvent réponde à leur vocation de chrétien.
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