Abus sur mineurs: ?Apaiser la souffrance spirituelle par des rites?
Propos recueillis par Delphine Allaire ¨C Cité du Vatican
Ce samedi 23 février marque la troisième journée du sommet pour la protection des mineurs au Vatican. Journée dédiée au thème de la transparence dans l¡¯Eglise, vis-à-vis des autorités civiles et de tous les fidèles.
Journée également de la liturgie pénitentielle présidée par le Pape à 17H30, heure de Rome. L¡¯Eglise qui porte donc le poids de son propre péché, et de la souffrance de toutes les victimes d¡¯abus. Une souffrance physique, morale et psychique, mais aussi spirituelle.
Marie Jo Thiel est médecin et théologienne. Membre de l¡¯Académie pontificale pour la Vie, elle évoque les ressorts de cette souffrance, et égraine les différents moyens pour l¡¯Eglise de la transformer en purification.
Comment se manifeste la souffrance spirituelle ?
L¡¯auteur de l¡¯abus n¡¯est pas indifférent à la souffrance spirituelle. Ceci étant, même quand il ne s¡¯agit pas d¡¯un homme ou d¡¯une femme d¡¯Église, la souffrance spirituelle se manifeste par une question adressée à Dieu: pourquoi Dieu n¡¯était pas là, pourquoi Dieu n¡¯a rien fait ?
Quand il s¡¯agit d¡¯un prêtre, cette question est redoublée parce que il est le garant d¡¯une confiance, d¡¯une relation à Dieu, et cette confiance est brisée, mise à mal. La souffrance spirituelle, c¡¯est cette question, pourquoi, comment, c¡¯est ce scandale qui est redoutable.
Est-ce que dans l¡¯Église il est possible d¡¯appréhender cette souffrance des abus d¡¯un point de vue théologique, voire eschatologique ?
Les raisons théologiques peuvent être liées à l¡¯idée que l¡¯on se fait de Dieu, un Dieu tout-puissant, l¡¯idée que l¡¯on se fait du prêtre, comme mis à part, comme homme sacré. Cela peut contribuer à un dérapage transgressif. Le Concile Vatican II a apporté une perspective plus relationnelle. Bien sûr, quand l¡¯on a des problèmes psychosexuels, cela ne protège pas, mais cela peut quand même représenter un cadre qui n¡¯est pas anodin.
Il y a ensuite toutes les questions autour du pouvoir dans l¡¯Église. Le Pape a raison de souligner les liens entre abus sexuels, de pouvoir et de conscience. Le cléricalisme représente une dysrelation. Le fait que les femmes n¡¯aient aucune responsabilité dans l¡¯Église, cela alimente ce cléricalisme, qui a pu contribuer à l¡¯occultation des abus sexuels.
Comment dès lors transformer ce péché, cette souffrance des abus, en purification ?
Quand on a été victime d¡¯abus sexuels comme mineurs, ce n¡¯est pas simplement un péché ou une faute. C¡¯est une transgression d¡¯un tabou. La culpabilité ne s¡¯efface pas facilement. Pour y arriver, il y a la notion de rites. Les victimes parlent beaucoup de souillure. Elles s¡¯engagent dans des lavages de soi, dans des douches intempestives. Dans ces rites de purification, il y a, par exemple, aller à Lourdes, mettre par écrit des fautes et reproches à l¡¯abuseur, brûler ensuite ce papier, l¡¯enterrer, ou encore le rite de lavage de pieds. La notion de souillure est réellement importante.
Dans ce contexte, que peut faire l¡¯Église pour se positionner pour être aux avant-postes de la lutte contre les abus ?
Il y a le niveau de la gouvernance de l¡¯Eglise. Il faut revoir certains points du droit canon, de la réforme de la Curie romaine. Le Pape parle ensuite d¡¯une Eglise entièrement synodale, ce qui veut dire que nous sommes tous des baptisés. Il y a une égalité baptismale avant tout sacerdoce, tout cardinalat. Nous devons tous nous convertir pour recevoir la nouvelle gouvernance; et pas nous réfugier dans des perspectives où «je suis le prêtre au-dessus de la masse des baptisés». Il faut interroger à nouveau cette hiérarchie de l¡¯Église pour lui permettre d¡¯être plus ajustée à la situation actuelle, dans le respect de ce baptême qui nous est commun, nous, peuple de Dieu.
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