Le Pape re?oit Fifi Masuka, gouverneure du Lualaba en RD Congo
Stanislas Kambashi, SJ ¨C Cité du Vatican
Gouverneure du Lualaba, dont le chef-lieu Kolwezi est réputé comme la capitale mondiale du cobalt, Fifi Masuka Saini est reconnue pour son engagement dans le développement de sa province. En tant que personne, elle est aussi connue comme laïque catholique engagée dans l¡¯Eglise. Ayant comme nom de baptême Marie-Thérèse, elle a également une grande dévotion mariale qui l¡¯a notamment conduite à construire des grottes mariales à plusieurs endroits, des chapelles, à prendre une part active dans la construction des églises et à en réhabiliter certaines. Femme sensible aux vulnérables comme des orphelins, des pauvres, elle est attentive à la promotion de la femme et à l'éducation de la jeune fille, et apporte de l¡¯aide à des centres sociaux. La construction et la réhabilitation des écoles sont également parmi les actions qu¡¯elle a menées. Elle est, en outre, appréciée pour son courage et ses qualités dans le leadership féminin.
Avec le Saint Père, elle a notamment évoqué son implication dans la Fondation Pape François pour l¡¯Afrique. Au cours de l¡¯interview à Radio Vatican-Pope, elle est revenue sur cette rencontre et abordé d¡¯autres thèmes. Nous vous proposons l¡¯intégralité de cet entretien.
Vous êtes madame Fifi Masuka, gouverneur de la province du Lualaba. Vous avez été reçue en audience par le pape François. Quelles sont vos impressions après avoir rencontré le Saint-Père?
Pour une chrétienne que je suis d'abord, je dirais que c'est une grâce, une grâce que mes pieds puissent fouler cette terre bénie, un lieu important pour nous les catholiques. Une grâce qui me permet, en ce moment, de dire un grand merci à Sa Sainteté le Pape, qui a permis, en peu de temps, d'accepter de me recevoir. Me recevoir en tant que chrétienne, en tant que cette fille qui a grandi dans la pauvreté mais que Dieu a relevé. C'est une grâce pour toute ma famille, une grâce pour la province du Lualaba en particulier, et une grâce pour la République démocratique du Congo. Encore une fois, au nom de toute la population, je dis merci pour ce temps qu'il a pu nous consacrer.
Vous êtes notamment réputée comme une laïque engagée dans l'Église et même dans la société, avec une grande dévotion à la Vierge Marie. Votre foi vous a conduit à construire notamment des grottes mariales. Vous avez participé à la réhabilitation de plusieurs églises et de plusieurs autres structures de l'Église. Qu'est-ce qui motive autant votre foi à faire toutes ces actions?
C'est ma manière à moi de pouvoir dire merci. Merci à mon Dieu, le Dieu qui m'a sorti de la poussière pour faire de moi cette femme que je suis aujourd'hui. C'est ma façon de pouvoir aussi montrer à ceux qui ne croient pas de croire que Dieu peut faire que, quand on a la foi, on puisse même déplacer les montagnes. La Bible dit qu¡¯avec la foi, on peut faire beaucoup. Donc, la raison pour moi est de montrer aux yeux du monde que l'Éternel Dieu et la Sainte Vierge Marie que je suivais depuis toute petite, ont fait des miracles dans ma vie. Comment dire merci? Avec le peu de moyens que j'ai pu avoir, c'est de construire des grottes, c'est réhabiliter les églises, pourquoi pas en construire là où il n¡¯y en avait pas, pour que ceux qui ne le connaissent pas puissent les connaître, Ceux qui ne l¡¯aiment pas puissent aimer Dieu plus que moi.
Vous êtes également réputée pour vos actions à caractère caritatif, philanthropique et humanitaire. Ceux qui vous connaissent soulignent votre sensibilité envers les pauvres, les vulnérables, la promotion de la femme et l'éducation de la jeune fille. Et à ce sujet, quelle est votre motivation de fond?
Tout d'abord, en tant que femme, je ne peux qu¡¯être un exemple pour les autres jeunes filles, pour les petites filles, et pourquoi pas pour toutes les femmes? Aujourd'hui, je crois que la foi catholique, ma foi chrétienne, me pousse à faire mieux, à aller vers ceux qui n'en ont pas, à pouvoir aider ceux qui sont dans le besoin, parce que j¡¯ai été moi-même dans une telle situation. C'est ça même la doctrine de la foi catholique, c'est de venir en aide à ceux qui n'en ont pas. Il est possible d'aider même avec le peu qu'on a. Mais dans mon cas, aujourd'hui, l'Éternel a fait de moi cette gouverneure. J'ai la possibilité de pouvoir créer, de pouvoir construire, de pouvoir aider. Donc je ne peux que faire ce que Dieu a fait pour moi. Je suis très sensible à ceux qui sont dans la vulnérabilité, à ceux-là n'ont personne. Si chacun de nous peut faire quelque chose, je crois que nous pouvons changer le monde. Je crois que nous pouvons donner du sourire à ceux qui n'en ont pas. Les jeunes filles, dans le cas de ma province, il y en a beaucoup qui sont dans les mines. Nous faisons ce que nous pouvons en tant qu'autorité pour les sortir des mines, et nous faisons plus encore. Je le fait avec l'aide de certaines religieuses, de certaines fondations qui me permettent de pouvoir construire des orphelinats, les hospices de vieillards, les écoles, afin que toutes ces jeunes filles puissent avoir une bonne éducation. Et pourquoi pas demain, elles peuvent me remplacer.
Vous avez parlé des jeunes filles qui sont dans les mines. Et dans le contexte actuel de votre pays, la République démocratique du Congo, Comment pouvez-vous décrire la situation de la jeune fille et de la femme en général?
Il n'y a pas que les mines aujourd'hui, là où se trouvent les jeunes filles en République démocratique du Congo, nous sommes sans ignorer que la République démocratique du Congo est attaquée. Notre pays est en guerre et nous connaissons aujourd'hui qui est derrière, tous ceux qui sont en train de vouloir déstabiliser notre pays. Il y a des rebelles, il y a des pays que nous connaissons. Nous savons que le Rwanda est derrière tout ça. Mais nous pensons aussi à toutes ces jeunes filles qui fuient la guerre à longueur de journées, qui sont sur la route, violées, tuées. D'autres sont tuées seulement parce qu¡¯elles portent le chapelet, parce qu¡¯elle citent le nom de Jésus-Christ. Donc toutes ces filles-là sont des filles aussi vulnérables et nous prions pour elles. Nous allons aussi par moments vers ces enfants, ces jeunes filles qui sont en proie à la guerre. Mais aussi il y a beaucoup de jeunes filles qui sont aussi violées dans les mines, non seulement les mines de Lualaba, mais les mines de partout dans le monde, et spécialement en RDC. Raison pour laquelle nous nous mettons avec certaines ONG, avec certaines autorités pour pouvoir, tant soit peu, retirer les enfants, retirer les jeunes filles des mines, leur donner les possibilités ou les opportunités de pouvoir changer de vie, pas seulement aller à l'université, mais par des formations qui leur donnent une bonne orientation. Donc nous sommes derrière toutes ces filles et nous n'allons pas arrêter.
Concernant surtout l'éducation, la promotion de la femme, que doit faire le pays pour améliorer la situation de la jeune fille, Dans le Lualaba, mais aussi dans l'Est où il y a la guerre, dans l'Ouest et dans le Nord, partout où la situation de la jeune fille, de la femme est à déplorer?
Nous encourageons tout d'abord tout ces projets qui visent à améliorer la situation des Congolais. Nous pensons à ce grand projet de 145 territoires, qui vise le développement par la base. Nous avons vu quelques écoles qui ont été construites dans des conditions très difficiles à cause de nos routes qui sont dans des lieux beaucoup plus reculés. Il y a eu des erreurs mais ces erreurs sont en train d'être corrigées et il y a quelque chose que nous pouvons saluer aujourd¡¯hui. Nous avons parlé et le gouvernement a commencé aujourd'hui à réhabiliter les routes pour pouvoir aller vers les centres les plus reculés, nos villages, pour construire les écoles, non seulement au niveau de tout le gouvernement, mais nous avons aussi le gouvernement provincial. Notre gouvernement provincial dans le Lualaba construit aujourd'hui les écoles dans le fin-fond de la province, des grandes écoles, des petites écoles, des centres de santé, parce qu'on ne peut pas aussi aller à l'école si on est dans des conditions sanitaires qui ne sont pas bonnes. Donc nous, gouvernement provincial du Lualaba, nous sommes dans le développement. Je crois que, aujourd'hui, le grand village qu¡¯était hier le territoire du Lualaba, avec l'avènement des 26 provinces, aujourd'hui nous avons une province qui est en pleine développement, qui a un sous-sol très bien fourni par la bénédiction divine, et sa population doit sortir de la pauvreté. Comme nous le disons, il faut commencer quelque part et nous avons commencé le développement de la province du Lualaba qui demain changera la vie de toute la population.
Quelles sont les grandes réalisations qui concernent ce développement de la province que vous avez commencé? Des structures que vous avez déjà mises en place, ce que vous avez déjà construit? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
Nous avons commencé par les routes parce que, sans routes, il n'y a pas de développement. Nous pensons que, aujourd'hui, nous sommes allés au-delà de 150 kilomètres de routes asphaltées. Nous sommes au-delà de plus de 3 000 kilomètres en terre battue. Ce sont des exemples. Nous sommes en train de relier nos cinq territoires par des routes ou autoroutes. Aujourd'hui, nous parlons par exemple du corridor de Lobito qui doit prendre les rails pour l'international. Dans notre province, nous profiterons de ce chemin de fer qui devra relier pratiquement quatre territoires. La province du Lualaba est subdivisée en cinq territoires. Mais pour emprunter le corridor de Lobito, vous passez par quatre territoires du Lualaba. Concernant la construction des routes, nous avons des grands chantiers partout. L'aéroport international du Lualaba sera qui sera inauguré d'ici le mois de juin. Demain, quand vous viendrez au Lualaba, vous n'aurez pas à passer par Lubumbashi ou par Kinshasa. Il y aura des vols internationaux directs qui vont descendre sur la ville de Kolwezi. L'aérogare est totalement terminée. Nous sommes en train de réhabiliter la piste, de construire la tour de contrôle et la caserne de pompiers. En ce qui concerne les bâtiments, le gouvernorat est totalement construit, c¡¯est le deuxième gouvernorat, l'Assemblée provinciale aussi. Nous pouvons également citer la direction des recettes. Nous avons pratiquement beaucoup de bureaux de l'administration qui sont en train d'être construits et d'autres sont terminés. En ce qui concerne l'éducation dans tous les cinq territoires, nous sommes en train de terminer les constructions des écoles, nous pouvons dire des grandes écoles modernes dans les territoires, sans oublier l'université, L'Unikol, l'Université de Kolwezi est en train de revêtir d¡¯une nouvelle robe. Elle va accueillir plus de 3 000 étudiants. Des homes, une clinique universitaire ainsi que des auditoires modernes sont et sont en train d'être construits. Nous pensons qu¡¯à la fin de l'année, nous pouvons avoir notre université. Les chantiers dans la province du Lualaba sont plus de 150. Ils sont en train d'être terminés. Le premier lot va être inauguré au mois de février. Le deuxième sera inauguré au mois de juin et nous continuerons jusqu¡¯en fin de notre mandat. Toutes ces constructions ont été commencées il y a seulement trois ans et beaucoup a été fait, il y a du nouveau, de nouvelles cités qui se créent. Je crois qu'il y a un bon vent. Il y a beaucoup de réalisations.
Revenons un peu sur la situation de la jeune fille. Vous êtes également engagée dans la fondation Pape François pour l'Afrique. Qu'en est-il de votre engagement dans cette fondation, de votre contribution?
En tout cas, je contribue à chaque fois que le besoin se présente. Et Nous ne manquerons pas de le faire parce que cette fondation va toucher beaucoup plus ceux qui sont vulnérables. Et comme vous l'avez dit, c'est un point chez moi qui est beaucoup plus important en ce qui concerne ceux qui sont vulnérables, particulièrement dans la province du Lualaba. Moi, personnellement, en tant que chrétienne, je soutiens totalement la Fondation Pape François, qui a ses bureaux au niveau de Kinshasa. Et j'ai demandé au Pape si on pouvait ouvrir un bureau, une extension au niveau du Lualaba. Parce que nous avons besoin de construire, nous avons besoin d'aider la fondation qui peut aller vers les plus vulnérables pour l'éducation de la jeune fille. Donc, nous sommes très proches de la fondation et nous croyons en la fondation et en ses action. Et nous apportons notre contribution.
Une question personnelle qui vous concerne à présent: vous êtes une femme de grande foi et en même temps, vous êtes une actrice politique. Comment est-ce que vous conciliez votre foi et la politique que vous menez?
Je me rappelle quand j'ai commencé la politique en 2006, beaucoup de prêtres et spécialement les évêques, -je peux en citer un-, notre archevêque Mgr Fulgence Muteba était parmi les prêtres qui m'accompagnaient dans la foi chrétienne, qui me montraient aussi que j'avais une dévotion mariale. Et je me rappelle le conseil qu¡¯il m'avait donné: Tu peux aller à l'assemblée, tu vas amener la Vierge Marie à l'Assemblée. Et je me rappelle, qu¡¯on m'a appelait «la fille de Marie» à l'Assemblée nationale. Je pense que nous chrétiens ne devons pas laisser la politique seulement à d¡¯autres. Nous devons être dans la politique, dans les prises de décision, parce que nous sommes ceux qui encadrent d'une manière chrétienne la population du monde. Et nous pensons que la politique est au service de cette même population. Et nous ne devons pas rester hors des décisions qui doivent se prendre sur la même population. Donc, nous pensons qu¡¯être sur la table des prises de décisions est une bonne chose pour tous et toutes. En tout cas, j¡¯invite tous les chrétiens et spécialement nous, les catholiques, à s¡¯engager ainsi, à se battre, à discuter avec les autres pour que les bonnes décisions soient prises.
Merci Madame Fifi Masuka, auriez-vous un dernier mot, un appel à lancer?
Tout d'abord je dis merci à notre Saint-Père qui a accepté de me recevoir, moi et toute ma délégation. J'implore aussi tous les politiques qui sont autour des tables de chercher la paix. Nous pensons que combattre la RDC n'est pas une bonne chose. Nous devons apporter la paix et la paix à cette population de la RDC qui depuis plus de 30 ans est en train de perdre ses filles et ses fils. Aujourd'hui, 4 janvier, nous sommes en train de célébrer la journée des martyrs de l¡¯indépendance en RDC. Mais les Congolais continuent à être martyrisés jusqu'à cet instant où je vous parle. Il y a ceux qui sont en train de mourir. Donc nous appelons à la paix, à la paix en RDC. A toutes les personnes de bonne foi. Ceux qui peuvent prier pour la RDC, je leur demande de prier, d¡¯être en union des prières pour notre pays. Et je demande à toutes les personnes de bonne foi, qui peuvent aussi intervenir dans des fondations telles que la Fondation Pape François pour l¡¯Afrique, de pouvoir intervenir afin que nous puissions toucher les plus vulnérables, de nous accompagner par des conseils, par les prières, afin que nous puissions réellement construire la RDC. Tout est possible, même quand on commence de manière modeste. Merci.
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