«Osez la é»: l’appel du Pape François à la ville de Rome
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Il y a 50 ans, en février 1974, était organisé une conférence sur «La responsabilité des chrétiens face aux attentes de la charité et de la justice dans la ville de Rome», connue sous le nom des «Maux de Rome». Pour célébrer cet anniversaire, le Pape François s’est rendu ce vendredi 25 octobre à Saint-Jean-de-Latran pour l'assemblée du diocèse de Rome.
Accueilli par Mgr Baldo Reina, nouvel archiprêtre de la basilique papale et vicaire général du diocèse de Rome, le Saint-Père a ainsi rencontré des prêtres du diocèse et les autorités romaines, dont le maire et des représentants de la société civile. Après un temps de prière et de lecture de l’Écriture sainte, le Pape François a proposé sa vision du rôle des chrétiens dans la ville éternelle dans un échange avec le journaliste Marco Damilano. Le Pape François vient ainsi clôturer un cycle de réflexion commencé en février 2024, le parcours «(In)égalités», marqué par de multiples rencontres consacrées aux différents domaines où les dynamiques d'exclusion et d'inégalités sont plus fortes: l'école, la santé, le logement, le travail…
Des témoins de la réalité romaine
La rencontre avec le Pape François a commencé par deux témoignages. D’abord une jeune étudiante, Maria, engagée au sein de «l’école de la paix» à Rome, où elle aide des jeunes marginalisés et déscolarisés. «Nous voyons les injustices à la télé mais nous les avons aussi sous les yeux», a-t-elle rappelé, estimant qu’il est toujours possible de changer les choses. Ensuite, Daniele, un avocat d’une cinquantaine d’années, a expliqué mettre ses compétences juridiques au service des plus défavorisés dans les quartiers les plus pauvres de la capitale. Il a mis en garde contre la tentation de créer des ghettos pour les personnes les plus pauvres, transformant progressivement le centre de Rome en un «Disneyland pour riches et touristes».
Le journaliste Mario Damilano, animateur de la rencontre, est revenu sur le travail mené depuis plus de six mois sur les maux de Rome. Loin des critiques habituelles, sur les ordures ménagères, les rats, les goélands, et les grèves à répétition, il a souligné l’importance de la collaboration entre les institutions et le tissu associatif, pour faire de Rome une ville «unie», une «cité de l’homme, prémisse de la cité de Dieu».
Trop d’inégalités
Le Saint-Père a commencé en déplorant «la triste réalité des inégalités et des pauvretés» à Rome. «Que pouvons-nous faire?» s’est interrogé le Pape, fustigeant «’hdz» des personnes qui «font la fête pour trouver de l’argent pour les pauvres», ou critiquant les gens faisant l’aumône simplement en «jetant l’argent et s’en allant».
Sa solution? «Voir dans le visage des plus pauvres le visage du Christ». En effet, pour le Saint-Père, «les pauvres sont la chair du Christ, et comme un sacrement, ils le rendent visibles à nos yeux». «Le pauvre ne peut être réduit à un numéro, à un problème, à un déchet», a insisté le Pape.
La responsabilité de l’Église
«La question de la pauvreté est une urgence ecclésiale et doit être la responsabilité de tous», a poursuivi François. «Jésus n’offre pas une solution magique, mais il nous demande d’annoncer aux plus pauvres la Bonne nouvelle, de leur dire qu’ils sont aimés et précieux pour Dieu et que leur dignité est sacrée à ses yeux». Pour l’évêque de Rome, parfois «nous disons cette parole mais nous ne faisons pas les gestes pour la rendre crédible».
«Ne disons pas que les prêtres et les religieuses qui s’occupent des pauvres sont des communistes. Cela se dit encore, ça suffit!», a supplié le Pape, applaudi par l’assemblée réunie dans la nef de la basilique. Les trois mots du Pape pour une attitude vraiment chrétienne, comme il aime à le répéter, sont la proximité, la compassion et la tendresse.
«Réparer la déchirure»
François s’est ensuite indigné contre les «tonnes de nourritures» jetées à Rome alors que «beaucoup n’ont rien à manger», contre les «milliers de places inoccupés quand des milliers d’autres vivent dans la rue»… Face à ces paradoxes, il appelle à «construire des alliances pour mettre au centre la personne humaine» afin de, comme le dit le titre du rapport résumant les mois de travail de ce parcours, «réparer la déchirure».
Pour le Pape, il est essentiel d’enseigner la pensée sociale de l’Église, dans les différentes activités pastorales et dans les catéchèses, afin de «former les consciences» à l’importance de l’action sociale.
Garder l’espérance
«Ensemble nous pouvons risquer des chemins nouveaux» plutôt que de rester immobile devant toutes les personnes les plus fragiles et les plus précaires, a insisté le Pape François.
À la veille du Jubilé de l’année 2025, le Saint-Père a encouragé les présents à s’engager sur «le chemin de l’espérance, et d’oser la charité». En concluant, le Pape François a paraphrasé le poète français Charles Péguy dans son poème «»: «L’Espérance est une toute petite fille de rien du tout et pourtant c’est elle qui traverse les mondes».
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