Gr?ce aux migrants, ?cultiver le r¨ºve de fraternit¨¦?, une pr¨¦face in¨¦dite du Pape
Pape François
Depuis le début de mon pontificat, j'ai accordé une attention particulière au drame des migrants, l'un des signes des temps de cette ère historique. Lors de mon premier voyage apostolique, je me suis rendu à Lampedusa, lieu symbolique de naufrages et d'accueil, et j'y ai souligné le point central de la question:
Ce n¡¯est pas une question adressée aux autres, c¡¯est une question adressée à moi, à toi, à chacun de nous
En effet, le drame des migrants remet en question notre identité la plus profonde: il s'agit de choisir d'être ou non véritablement frères et s?urs. Je l'ai rappelé
Au fil des années, j'ai rencontré à plusieurs reprises des migrants dont les histoires résumaient celles de tant d'autres: certaines de ces rencontres, comme celles avec Bentolo et Pato, sont relatées dans ce livre. En les rencontrant, j'ai voulu souligner qu'ils sont vraiment des frères et des s?urs, et nous aider à redécouvrir la fraternité universelle. Ceux qui pratiquent l'hospitalité savent que l'amitié avec les pauvres est salvatrice, parce qu'à travers eux, les frères bien-aimés de Jésus, nous faisons une expérience particulière de l'amour de Jésus et nous redécouvrons la beauté de faire aussi partie de cette grande fraternité.
J'ai réitéré cette idée en m'adressant directement aux migrants :
La fraternité est un cri: les personnes migrantes qui frappent à nos portes portent ce cri en elles: elles demandent à être reconnues comme des frères et des s?urs, à marcher ensemble. Le secours et l'accueil ne sont pas seulement des gestes humanitaires essentiels, ce sont des gestes qui donnent chair à la fraternité, qui construisent la civilisation.
À plusieurs reprises, j'ai exprimé publiquement ma reconnaissance à Mediterranea Saving Humans et à toutes les réalités qui pratiquent le secours et l'accueil. Je suis également reconnaissant aux fidèles, aux consacrés et aux évêques qui les accompagnent de diverses manières. L'Église accompagne ce chemin, parce que c'est l'Évangile qui l'exige: l'Église n'a pas d'alternative, si elle ne suit pas Jésus, si elle n'aime pas comme Jésus aime, elle perd le sens même de son être.
Donner chair à la fraternité universelle est le rêve que Dieu nous a confié depuis le début de la création: quiconque participe à cette mission collabore au rêve de Dieu. Une réalité qui donne chair à la fraternité d'une manière particulière est incarnée par les Mouvements populaires, dont il est aussi question dans ce livre. J'ai connu les Mouvements populaires lorsque j'étais archevêque de Buenos Aires: j'y ai trouvé ce que j'ai appelé plus tard la «mystique des Mouvements populaires», c'est-à-dire cette compassion viscérale qui devient action communautaire et conduit les pauvres à se prendre par la main, à s'organiser, à lutter ensemble et à construire ensemble une autre société. À Buenos Aires, en accompagnant les mouvements populaires, je me suis rendu compte que:
même s'ils agacent, même si certains «penseurs» ne savent pas les classer, il faut avoir le courage de reconnaître que sans eux, la démocratie s'atrophie, devient un nominalisme, une formalité, elle perd sa représentativité, elle devient désincarnée parce qu'elle laisse de côté le peuple dans sa lutte quotidienne pour la dignité, dans la construction de son destin.
Ces dernières années, j'ai participé aux quatre rencontres mondiales des mouvements populaires et à leurs réunions régionales, et j'ai invité l'Église à les accompagner:
Le rêve de fraternité, que les migrants nous demandent de cultiver et que j'ai placé au c?ur de mon pontificat, est le rêve de Dieu et l'Église l'a toujours promu, en le relançant fortement depuis le Concile Vatican II et le pontificat de saint Jean XXIII. Je voudrais conclure la préface de ce livre en citant les mots de son secrétaire particulier, Mgr Loris Capovilla, que j'ai créé cardinal en 2014 et qui est mentionné dans ce livre. Lorsqu'il a eu 100 ans, le 14 octobre 2015, il a choisi de les fêter avec des migrants. Embrassant l'un d'entre eux, Issa, venu du Mali, musulman, il lui a dit ces mots:
Issa, que Dieu te bénisse. [...] Il n'y a qu'une seule famille humaine, je suis citoyen du monde, comme toi, cher Issa. Seulement, j'ai terminé ma course et tu la commences. Apportez votre contribution à la civilisation de l'amour, car il n'y en a pas d'autre, il n'y a pas de civilisation de la technologie, du pouvoir ou des armes. Mes frères chrétiens me sont chers, je le sais, mais tous les hommes et toutes les femmes de ce monde le sont aussi. Je suis heureux d'avoir vécu dans ce monde. De mémoire d'homme, je n'ai jamais vu une personne ou un pays que je n'aime pas. Tout ce qui existe dans la création est un don de Dieu. En chacun de nous, il y a quelque chose de bon; si chacun est bon, je suis heureux, mais s'il n'est pas bon, il reste mon frère, je l'aime. Je le prends par la main et nous marchons ensemble vers la civilisation de l'amour. [¡]
En communion avec les hommes et les femmes de bonne volonté appartenant à toutes les nations, je me mêle en ami et je sens qu'en effet, avec la contribution de milliers de femmes et d'hommes de toutes les races, nous marchons vers l'unité la plus complète de la famille humaine; un seul Père, un seul Rédempteur, une seule Mère très sainte, un seul Pasteur universel, un seul regard vers les cieux éternels.
Devenir capable d'aimer de cette manière est la prière que j'adresse à Jésus pour chaque personne vivant dans ce monde.
Du Vatican, le 3 juillet 2024
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