Le Pape exhorte ¨¤ ralentir pour ne pas marginaliser les personnes ?g¨¦es
Delphine Allaire - Cité du Vatican
À l¡¯aide des paraboles, «ce langage d¡¯image ressemblant à celui plein de sagesse des grands-parents avec leurs petits-enfants», le Pape a centré son homélie sur le trait commun émanant des trois récits de l¡¯Évangile du jour (Mt 13, 24-43): «Grandir ensemble».
Ni pessimistes, ni naïfs
Dans la première parabole, l¡¯image du bon grain et de l¡¯ivraie poussant ensemble dans le même champ aide au réalisme, estime François: «Dans l'histoire de l'humanité, comme dans la vie de chacun, coexistent ombres et lumières, amour et égoïsme. Le bien et le mal s'entremêlent au point d¡¯apparaître inséparables». Cette approche réaliste aide «à regarder l'histoire sans idéologies, sans optimismes stériles ni pessimismes néfastes», a-t-il soutenu.
«Le chrétien habité par l'espérance de Dieu n'est pas un pessimiste, mais il n'est pas non plus un naïf qui vit dans un monde de fables, qui fait semblant de ne pas voir le mal et qui dit que "tout va bien"», a renchéri l¡¯évêque de Rome, insistant sur le réalisme caractérisant le chrétien.
«Il sait qu'il y a du bon grain et de l'ivraie dans le monde, et il regarde en lui-même, reconnaissant que le mal ne vient pas seulement "de l'extérieur", que ce n'est pas toujours la faute des autres, qu'il n¡¯y a pas besoin de "s'inventer" des ennemis à combattre pour éviter de faire la lumière en soi-même», a-t-il précisé. Mais alors que faire à la vue de cette coexistence du bon grain et de l¡¯ivraie, a interrogé François
La tentation de la pureté «par ses propres forces»
Dans le récit, les serviteurs voudraient arracher l'ivraie (cf. v. 28). «Cette attitude est bien intentionnée, mais impulsive et agressive», a estimé le Pape, qualifiant d¡¯illusion «le fait que l'on pourrait arracher le mal par ses propres forces pour faire la pureté». C¡¯est une tentation qui revient souvent, a-t-il noté, que celle d¡¯une «société pure», d¡¯une «Église pure». Or, pour atteindre la pureté, «l¡¯on risque d'être impatient, intransigeant, voire violent à l'égard de ceux qui sont tombés dans l'erreur». De plus, avec l'ivraie, «l'on arracherait aussi le bon grain et l'on empêcherait les gens de se frayer un chemin, de grandir, de changer».
Douceur et patience
Le Pape conseille d¡¯écouter plutôt la parole de Jésus: «Laissez pousser ensemble le bon grain et l'ivraie jusqu'au moment de la moisson (cf. Mt 13, 30)». Cette pédagogie miséricordieuse invite «à être patient avec les autres, à accueillir les fragilités, les retards et les limites: non pas pour s'y habituer avec résignation ni pour les justifier, mais pour apprendre à intervenir avec respect, en continuant à prendre soin du bon grain avec douceur et patience», a reconnu le successeur de Pierre, insistant sur une chose: «la purification du c?ur et la victoire définitive sur le mal sont essentiellement l'?uvre de Dieu»; l¡¯?uvre de l¡¯homme consistant «à comprendre quels sont les manières et les moments les meilleurs pour agir».
La vieillesse, un temps de réconciliation
Le Pape François pense là aux personnes âgées et aux grands-parents, qui ont déjà parcouru un long chemin dans la vie et qui, «s'ils regardent en arrière, voient beaucoup de belles choses qu'ils ont réussies à accomplir, mais aussi des défaites, des erreurs». «La vieillesse est un temps béni aussi pour cette raison: elle est la saison pour se réconcilier, pour regarder avec tendresse la lumière qui a progressé malgré les ombres, dans l'espérance confiante que le bon grain semé par Dieu l'emportera sur les mauvaises herbes avec lesquelles le diable a voulu infester notre c?ur», a relevé le Pape, évoquant la deuxième parabole.
Le vieil arbre et les oiseaux
Le Royaume des cieux, dit Jésus, est l'?uvre de Dieu qui agit silencieusement dans les trames de l'histoire, au point de paraître une chose petite et invisible, comme une minuscule graine de moutarde. Mais «quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches» (Mt 13, 32).
Selon François, il en est ainsi également de notre vie: nous venons au monde petits, nous devenons adultes, puis âgés; «dans cette parabole, le vieil arbre et les oiseaux grandissent ensemble».
Le mélange des jeunes et des personnes âgées
Et l¡¯évêque de Rome de poursuivre: «Je pense aux grands-parents: qu¡¯ils sont beaux ces arbres luxuriants sous lesquels les enfants et les petits-enfants font leur propre "nid", apprennent l¡¯ambiance d¡¯un foyer et connaissent la tendresse d'une étreinte. Il s'agit de grandir ensemble: l'arbre verdoyant et les petits qui ont besoin du nid, les grands-parents avec leurs enfants et leurs petits-enfants, les personnes âgées avec les plus jeunes». Le Pape a pointé la nécessité «d¡¯une nouvelle alliance entre les jeunes et les anciens, pour que la sève de ceux qui ont une longue expérience de la vie derrière eux irrigue les pousses d¡¯espérance de ceux qui grandissent». Un échange fécond où apprendre la beauté de la vie, et permettre la rencontre et le dialogue entre la tradition et la nouveauté de l'Esprit.
Enfin, troisième parabole, où le levain et la farine croissent ensemble (cf. Mt 13, 33). «Ce mélange fait croître toute la pâte». Pour le Souverain pontife, cela permet «de vaincre les individualismes et les égoïsmes, et aide à générer un monde plus humain et plus fraternel».
La société doit ralentir
François exhorte là à ne pas marginaliser les personnes âgées, à veiller «à ce que nos villes surpeuplées ne deviennent pas des "concentrations de solitude"»; il souhaite que la politique, «appelée à pourvoir aux besoins des plus fragiles, n'oublie pas les personnes âgées, laissant le marché les reléguer au rang de "déchets improductifs"»; et espère enfin, «qu'à force de poursuivre à toute vitesse les mythes de l'efficacité et de la performance», nous ne devenions pas «incapables de ralentir pour accompagner ceux qui peinent à suivre».
«De grâce, mélangeons-nous, grandissons ensemble», a supplié François, rappelant combien la Parole divine nous invite «à ne pas nous séparer, à ne pas nous renfermer, à ne pas penser que nous pouvons y arriver seuls, mais à grandir ensemble».
«N'oublions pas les grands-parents et les personnes âgées: par une caresse de leur part, nous avons été relevés à maintes reprises, nous avons repris la route, nous nous sommes sentis aimés, nous avons été guéris intérieurement», a conclu le Souverain pontife, soulignant leurs «sacrifices pour nous».
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