Fran?ois pr¨¦sente ses excuses aux peuples autochtones du Canada
Marine Henriot - Cité du Vatican
Après une semaine d¡¯écoute, le Saint-Père a enfin pris la parole devant les représentants des peuples autochtones, vendredi 1er avril en Salle Clémentine du Palais apostolique. François a d¡¯abord remercié les différentes communautés d¡¯être venues à Rome, accompagnées par des évêques de l¡¯Église canadienne, avant de revenir sur les paroles qui l¡¯ont marqué durant cette semaine.
«Il faut penser sept générations à l¡¯avance quand on prend une décision aujourd¡¯hui», a repris le Pape, faisant siens les mots des délégations autochtones: «Cette phrase est sage, a-t-il expliqué, elle est prévoyante et elle est à l¡¯opposé de ce qu'il se passe souvent de nos jours, où nous poursuivons des objectifs utiles et immédiats sans tenir compte de l¡¯avenir des générations suivantes». Au contraire, a répété l'évêque de Rome, le lien entre générations est indispensable, «il doit être cultivé, sauvegardé, car il permet de ne pas effacer la mémoire et de ne pas perdre l¡¯identité.»
Une autre image des autochtones qui a particulièrement plu à François est la métaphore des branches d¡¯arbres. «Comme eux, vous avez grandi dans différentes directions, traversé différentes saisons et même été secoués par des vents violents», a reconnu le Pape, tout en les saluant: «Vous vous êtes ancrés fermement dans les racines, que vous avez gardées fermes.» Et ces arbres continuent à porter du fruit.
Le drame du déracinement
Parmi ces fruits, François a tenu à mentionner des valeurs des peuples autochtones «qui méritent d¡¯etre connues et valorisés», comme le soin porté à la terre «que vous ne considérez pas comme un bien à exploiter, mais comme un don du ciel». Cette terre qui a conservé la mémoire des ancêtres, «un espace vivant où l¡¯on peut vivre son existence dans un tissu de relations avec le Créateur». D¡¯autres fruits sont la richesse des langues, des cultures, des traditions et des formes artistiques des peuples autochtones, a continué le Saint-Père, «des patrimoines qui n¡¯appartiennent pas seulement à vous, mais à toute l¡¯humanité, car ils expriment l¡¯humanité.»
Cet arbre fécond a toutefois subi le drame du déracinement. «La chaîne qui transmettait les connaissances et les modes de vie, en union avec la terre, a été rompue par la colonisation, qui a arraché sans respect beaucoup d'entre vous à votre milieu de vie et a tenté de vous conformer à une autre mentalité», a déclaré solennellement le Pape François. «Ainsi, votre identité et votre culture ont été blessées, de nombreuses familles ont été séparées, de nombreux enfants ont été victimes de cette action d'homologation, soutenue par l'idée que le progrès se fait par la colonisation idéologique, selon des programmes planifiés, plutôt que par le respect de la vie des peuples.»
Cette colonisation idéologique se produit encore de nos jours, a regretté l¡¯évêque de Rome, «combien de colonisations politiques, idéologiques et économiques il y a dans le monde, motivées par la cupidité et la soif de profit, au mépris des peuples, de leur histoire et de leurs traditions, et de la maison commune de la création».
Honte et indignation
Après les témoignages apportés cette semaine, le Successeur de Pierre a vu grandir en lui deux sentiments : la honte et l¡¯indignation.
«L'indignation, car il est injuste d'accepter le mal, et il est encore pire de s'y habituer, comme s'il s'agissait d'une dynamique inéluctable causée par les événements de l'histoire, a-t-il détaillé, non, sans une indignation ferme, sans mémoire et sans l'engagement d'apprendre des erreurs, les problèmes ne peuvent être résolus et ils reviennent.»
Ensuite la honte, notamment pour le rôle que divers catholiques, «en particulier ceux qui ont des responsabilités éducatives» ont joué dans les blessures des autochtones, «dans les abus et le manque de respect envers votre identité, votre culture et mêmes vos valeurs spirituelles», «Pour la conduite déplorable de ces membres de l'Église catholique, je demande le pardon de Dieu et je voudrais vous dire du fond du c?ur : je suis vraiment affligé».
Un comportement contraire à l¡¯Évangile, a dit François, avant de partager ses excuses : «Je me joins à mes frères évêques du Canada pour vous présenter mes excuses.» Il est évident que la foi ne peut être transmise d¡¯une manière étrangère à la foi elle-même, a-t-il développé.
Où es-tu ? Où est ton frère ?
L¡¯histoire des Inuits, Métis et Premières Nations a fait remémorer au Pape des questions très actuelles, que le Créateur adresse à l¡¯humanité au début de la Bible: «Où es-tu ? Où es ton frère ? Ce sont des questions que nous devons toujours nous poser, ce sont les questions essentielles de notre conscience pour ne pas oublier que nous sommes sur cette terre en tant que gardiens du caractère sacré de la vie et donc gardiens de nos frères et s?urs, de chaque peuple frère ou s?ur.»
Après s¡¯être réjoui de la place importante qu¡¯occupe Sainte Anne dans les cultures autochtones, François a encouragé les évêques et les catholiques dans la recherche transparente de la vérité et dans la promotion de la guérison des blessures et de la réconciliation. «Je voudrais vous dire que l'Église est de votre côté et veut continuer à marcher avec vous», a-t-il souhaité.
Au Canada¡ mais pas en hiver
Enfin, le Pape fait part de sa volonté de se rendre au Canada, sur les terres autochtones: «Je serai heureux de profiter à nouveau de vous rencontrer, de visiter vos terres natales, où vivent vos familles. Je vous dis adieu au Canada, où je peux mieux exprimer ma proximité avec vous», mais «pas en hiver», a-t-il précisé avec un sourire malicieux.
L¡¯audience s¡¯est poursuivie avec des musiques, chants et danses traditionnelles de chaque délégation. Puis une remise de cadeaux: le Saint-Père a offert aux différents représentants une branche d¡¯olivier en bronze, après avoir reçu plusieurs cadeaux de haute portée symbolique, dont une croix de la délégation Inuit, fabriquée avec les fanons d¡¯une baleine boréale, rivetés à de l¡¯argent et de l¡¯or, et déposée dans une pochette en peau de phoque cousue à la main. Adrian N.Gunner, de l¡¯Assemblée des Premières Nations à quant à lui remis des raquettes traditionnelles au Pape: son grand-père avait offert les mêmes à Jean-Paul II en 1984 au Canada, une façon de montrer le lien entre générations et le chemin qui continue.
«Les mots du Pape étaient nécessaires et je les apprécie profondément. J'attends désormais sa venue au Canada où il pourra présenter ces excuses sincères directement à nos survivants et à leurs familles», a déclaré à la presse Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, à l'issue de la rencontre.
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