Jeter l¡¯ancre de la paix en ²Ñ¨¦»å¾±³Ù±ð°ù°ù²¹²Ô¨¦±ð, des jeunes mobilis¨¦s pour le Jubil¨¦
Delphine Allaire ¨C Cité du Vatican
À l¡¯heure où tant de personnes construisent des armes et font la guerre, un pèlerinage d¡¯espérance se profile en mer Méditerranée, miroir des crises du monde et laboratoire de paix. À bord du trois-mâts 200 jeunes parcourront huit mois durant les eaux de la Grande Bleue, faisant escale dans seize ports de la Mare Nostrum en quête de dialogue, de paix et de fraternité dans le sillage des Rencontres méditerranéennes de 2023 clôturées par le Pape. Dimanche 12 janvier, le diocèse de la cité phocéenne a solennellement ouvert l¡¯Année sainte, la Croix du Jubilé arrivant par la mer, accueillie symboliquement devant le Musée des civilisations de l¡¯Europe et de la Méditerranée (Mucem). Mais c¡¯est le 1er mars que démarrera l¡¯aventure du Bel Espoir depuis Barcelone (Espagne) pour une odyssée, incluant, entre autres, des escales en Sicile, en Turquie ou Albanie.
Les espérances et les préoccupations des jeunes seront recueillies au gré des traversées, apposées dans un livre blanc de la Méditerranée remis aux sociétés civiles et religieuses, ainsi qu¡¯au Souverain pontife fin octobre 2025. Entretien avec le père Alexis Leproux, vicaire épiscopal aux relations méditerranéennes du diocèse de Marseille.
Pourquoi prôner la paix et la fraternité en Méditerranée en partant des jeunes et de leur formation?
Construire l'avenir par ceux qui sont en train de le préparer est toujours plus simple. Le but est d'intégrer dans la formation humaine, intellectuelle et spirituelle des jeunes l¡¯apprentissage du dialogue et du don précieux de la paix. Ainsi ce qu¡¯ils entreprendront, comme fonder une famille ou une entreprise, participer à leur société, ne sera pas ruiné par les barbaries guerrières qui détruisent tout sur leur passage. Les jeunes permettent cette intégration très immédiate. Il est plus simple grâce à eux de promouvoir les décloisonnements institutionnels, en particulier au niveau des religions, des États ou des politiques. Par les jeunes, les points de vue, les orientations, les perspectives peuvent se côtoyer bien plus aisément. La volonté d¡¯accroître leur connaissance mutuelle est impressionnante. Les nombreuses candidatures reçues ont toutes manifesté un immense désir de mieux connaître les sociétés des autres rives.
À bord ou à terre, quel est le quotidien des jeunes lors d¡¯une telle expédition maritime?
Chaque mois, une session rassemblera une vingtaine de jeunes d'une vingtaine de pays différents dans la mesure du possible. Leur programme, articulé autour du dialogue, de l¡¯échange et de la rencontre, est construit chaque mois sur le même modèle: un colloque introductif qui leur permet de se rassembler déjà, d'arriver, de se connaître, de se présenter; une période de navigation variant entre sept et dix jours et un festival conclusif dans un port d'arrivée. Dans le colloque initial, il s¡¯agira de découvrir la ville de départ et de rencontrer les acteurs locaux durant deux ou trois jours. En mer, ils travaillent entre eux avec l'équipage.
L'objectif de ces sessions et de cette odyssée de la paix est de valoriser ceux qui, très concrètement, discrètement, travaille à la construction de la paix dans les différents champs que sont l'aide sociale, l'éducation, l'intégration des migrants et un certain nombre de réalités comme le dialogue interreligieux ou le dialogue ?cuménique, instruments clés de la construction de la paix. Au gré des traversées, nous écrirons un chapitre d¡¯un livre blanc de la Méditerranée, qui sera proposé au Pape ainsi qu¡¯aux sociétés civiles et religieuses des cinq rives, sur la façon dont il est possible de construire la paix en Méditerranée.
Comment avez-vous décidé du choix des ports dans votre itinéraire?
Nous avons tenu compte de plusieurs contraintes, dont l¡¯accessibilité par train, avion ou bateau. Cela explique les choix de Barcelone, Palerme, Malte, Larnaca à Chypre, Istanbul, d'Athènes, Durez en Albanie, et bien sûr de différentes villes d'Italie.
Ils sont aussi liés à la simplicité géopolitique de pouvoir assurer aux navires une base d'accueil pendant l'année 2025. Le contexte méditerranéen est compliqué, nous avions besoin d'avoir quelques ports sûrs pouvant servir de base en cas de tempête ou de difficultés de circulation. Les seize ports se situent aussi sur un axe qui passe par le milieu de la Méditerranée, d'où l'appui sur la Sicile, Malte et Chypre comme étant des îles importantes rayonnant sur différentes rives.
Pourquoi avoir choisi comme ultime traversée sur le thème de la paix, un trajet reliant Naples à Marseille?
Nous souhaitions répondre ainsi au Pape, venu à Marseille en septembre 2023, nous confiant le mandat de servir une coordination méditerranéenne. Le cardinal Jean-Marc Aveline se consacre à ce service que le Pape lui a confié. En cela, nous préférons ne pas partir de Marseille, mais y arriver, en montrant que la petite communauté phocéenne, ?uvrant avec les communautés locales des seize ports concernés, peut accueillir le bateau à la fin de son périple, en une étape conclusive. Les sept premières étapes comprennent des angles spécifiques comme la culture, la religion, la femme, l'éducation, l'écologie intégrale. Dans la proximité de Rome célébrant le jubilé, la dernière étape, entre Naples et Marseille, villes jumelées, conclura en octobre prochain cette odyssée de la paix.
La navigation du Bel Espoir est-elle un pèlerinage jubilaire?
La cause première de MED25 et du Bel Espoir est la demande du Pape de vivre le jubilé de l'espérance. Nous sommes dans une démarche de pèlerins de l'espérance pour la paix, de façon décentralisée, sur les différentes rives et aux périphéries de la Méditerranée. Accueillant aussi sur le bateau des musulmans, des juifs et des chrétiens d'autres confessions, le cadre général n¡¯est pas seulement le pèlerinage d'espérance du Jubilé, mais également une démarche universelle de promotion de la paix.
Nous ne faisons pas de grands rassemblements méditerranéens, mais une tournée méditerranéenne dont la finalité est d'annoncer cette belle espérance, de la vie plus forte que la mort, de la joie, de la liberté des esclaves, des prisonniers, du soutien des personnes en situation de précarité ou sur les routes migratoires. Nous souhaitons que le Jubilé ne soit pas simplement d'aller à Rome entre catholiques, mais mobilise la jeunesse méditerranéenne pour la paix. Comme une grande pétition méditerranéenne. Que cela permette à l'Église une parole indirecte par le biais de ce bateau dans l'esprit du Synode, du Concile Vatican II, une présence pastorale mais d'une autre nature.
La Méditerranée traverse une période de crise aiguë sur nombre de ses rives. Comment envisagez-vous ce sombre contexte en arrière-plan de l'expédition?
La situation au Proche-Orient est à prendre en compte, comme la situation en Ukraine et en Russie, puisque nous intégrons la mer Noire dans notre appel à la paix, mais également l'Arménie. Nous n¡¯oublions pas des conflits oubliés comme celui moins visible de Chypre, les tensions entre l¡¯Algérie, le Maroc, la France, l¡¯Espagne, la Libye, engluée dans une situation tragique souvent oubliée, ou les fragilités fissurant les Balkans.
Il s¡¯agit de poser un regard équilibré sur la Méditerranée, traversées par des fractures et des tensions de très grande violence certes au Proche-Orient, mais également présentes dans les conflits d'autres rives de la Méditerranée. En mobilisant ces jeunes et en vivant cette aventure, nous souhaitons porter toutes les zones où les conflits sont potentiellement dangereux et meurtriers.
Comment concevez-vous le rôle-pivot de Marseille en Méditerranée avec ce nouveau projet?
L'enjeu n'est pas de prendre de l'importance, mais d¡¯en donner et de valoriser les initiatives des autres. Par exemple, un beau colloque se prépare sur les femmes en Méditerranée à Malte, où le diocèse ouvre une Maison de la Méditerranée. Nous, petite équipe qui avons bénéficié d¡¯un voyage apostolique à Marseille, devons partager la joie de servir la Méditerranée et mettre en lumière les différents diocèses et communautés que nous allons rencontrer et visiter en 2025. L'objectif n'est pas de mettre Marseille au centre du dispositif, le projet nous dépasse.
Dans le sillage du processus méditerranéen, accéléré sous le pontificat de François, avez-vous connaissance d'autres projets pastoraux de la Méditerranée essaimant sur d¡¯autres rives?
Non seulement des diocèses se mobilisent, mais ceux de l'Italie du Sud, comme la Sicile, sont déjà très moteurs et impliqués, bien avant que Marseille ne s'y mette de façon aussi active. Il faut aussi compter avec des réseaux religieux très significatifs, comme les franciscains et leur réseau franciscain de la Méditerranée, les Focolari, le réseau des écoles catholiques aussi, l'OIEC impliqué pour une école de la paix en Méditerranée. Au niveau des diocèses, des communautés religieuses ou des associations, préparer cette odyssée de la Méditerranée m'a fait découvrir un immense dynamisme dont l'objectif est de permettre une coordination plus forte et plus solide entre tous ces acteurs.
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