Etty Hillesum: t¨¦moin d¡¯±ð²õ±è¨¦°ù²¹²Ô³¦±ð au milieu de l¡¯atrocit¨¦ des camps
Félicité Maymat ¨C Cité du Vatican
Etty Hillesum naît en 1914 à Middelburg, au Pays-Bas. Elle hérite de son père une grande soif intellectuelle et de sa mère un tempérament passionné. Elle poursuit des études de droit et de langues à Amsterdam. Alors que l¡¯Europe est traversée par un déferlement de violences et de haine envers les juifs, la jeune femme commence un parcours intérieur qu¡¯elle renseigne dans un journal qui témoigne aujourd¡¯hui de sa soif de liberté et d¡¯absolu et d¡¯une force d¡¯âme à toute épreuve. Ses écrits, parvenus au grand public à travers une série de lettres écrites depuis le camp de Westerbork, emportent le lecteur sur un chemin d¡¯espérance malgré le contexte des horreurs.
Une c?ur sans frontières
La romancière Cécilia Dutter reprend les enseignements d¡¯Etty Hillesum mis en pratique au sein du camp de transit de Westerborck. Elle retrace le parcours atypique de la jeune femme juive «qui va de la terre vers le ciel, du charnel au spirituel». En partant de son chaos personnel, de ses déceptions amoureuses et en pleine guerre mondiale, Etty entame une thérapie. Pour témoigner de son évolution intérieure, elle débute l¡¯écriture d¡¯un journal et emporte ses lecteurs dans un véritable parcours «d¡¯abord de rencontre de soi» qui lui permet de tourner ensuite le regard vers l¡¯autre et enfin «d'ouvrir son c?ur à l¡¯amour universel et à Dieu». En apprenant à «goûter à sa joie profonde d'être ici et maintenant», explique Cécilia Dutter, la jeune hollandaise apprend à faire la paix avec elle-même et «à partir de là, elle comprend qu¡¯il y a en elle un centre, un socle de solidité dans lequel elle peut accueillir ¡°ce qu¡¯elle appelle¡± Dieu». Jusqu¡¯au bout, Etty a gardé ce Dieu au c?ur, «qui a été pour elle un rempart indubitable contre la tragédie de la Shoah», affirme l¡¯écrivaine. Elle parvient fermement à faire face à l¡¯adversité par une résistance spirituelle.
Le ¡°croire¡± d¡¯Etty qui la fortifie est un ¡°croire¡± sans frontière. «Elle arrive à toucher l¡¯essence même de l'être humain, à la transcendance, à Dieu, sans être enfermée dans aucune religion», confie l¡¯autrice de la biographie de la jeune femme juive. Pour autant, c¡¯est une foi construite, Etty a beaucoup lu et s¡¯est beaucoup inspirée des diverses traditions religieuses. Par son approche universelle, Etty Hillesum montre «un c?ur sans frontière», déclare Cécilia Dutter. Elle est une porte d¡¯entrée à la spiritualité pour un public en recherche de sens et d¡¯espérance.
Transmettre un message d¡¯espérance dans un camp de la mort
Etty témoigne dans ses écrits d¡¯une ouverture croissante à l¡¯autre. Ses enseignements sont riches de messages d'amour envers ses frères. Elle anticipe d¡¯ailleurs sa déportation en 1942 en se portant volontaire dans le camp de transit de Westerbork. Selon les mots de l¡¯Hollandaise, elle «endosse vraiment le destin de masse du peuple juif». Cécilia Dutter explique qu'elle se sent d'abord complètement impuissante vis-à-vis de cette détresse, face à ses juifs qui arrivent des quatre coins du pays. Dans le même temps, Etty elle-même dit «mon action consiste à être là». La jeune femme pose une question: Comment peut-on être présent pour l¡¯autre même sans moyen matériel? «Par sa qualité d¡¯écoute, d¡¯attention et de bienveillance», développe la romancière française. Elle traduit ce qui pour les chrétiens est aimer l¡¯autre comme soi-même.
«La force essentielle consiste à sentir au fond de soi jusqu¡¯à la fin que la vie a un sens, qu¡¯elle est belle, que l¡¯on a réalisé ses virtualités au cours d¡¯une existence qui était bonne telle qu¡¯elle était» (Etty Hillesum).
«Le c?ur pensant de la baraque»
Etty apprend «à garder l¡¯émerveillement même dans la tourmente, à accueillir aussi l¡¯éternité dans notre finitude» poursuit Cécilia Dutter. Aux personnes du camp, la jeune femme juive apprend à projeter le regard au-delà des barbelés. Elle leur apprend «à développer leur liberté intérieure, à se sentir libre aussi en Dieu en gardant dans leur c?ur le caractère sacré de la vie, le grand sens de la vie au c?ur du non-sens qu'est la Shoah», commente la présidente de l¡¯association en l¡¯honneur de la jeune Hollandaise. C¡¯est pour Etty une manière d'être «un baume versé sur tant de plaies», comme elle le dit elle-même. Ses grandes pages de poésies lyriques sur la nature témoignent aussi du rôle qu¡¯elle se donne en tant que «c?ur pensant de la baraque». La poète porte en elle la volonté de conserver toujours la beauté et le caractère précieux de l¡¯existence, même quand celle-ci est bafouée. Etty ne cesse de dire qu¡¯«au milieu de toutes ces épreuves, elle est peut-être trop désireuse de jouir de la vie».
Le refus de la haine
Chaque semaine un convoi part du camp de Westerborck vers Auschwitz et les déportés qui ne reviennent pas vont vers la mort. Etty est aussi témoin des atrocités qui se passent au sein même du camp de transit. «Pourtant elle ne sombre pas dans la haine», affirme Cécilia Dutter. «Etty Hillesum le martèle tout au long de son expérience au camp. La haine est un cercle vicieux et la seule issue possible pour chacun, c¡¯est d'extirper la haine de soi-même».
À Etty Hillesum de nous le rappeler: «Au camp, j¡¯ai senti de tout mon être que le moindre atome de haine ajouté à ce monde le rend plus inhospitalier encore». La jeune intellectuelle est convaincue que l'engrenage de la violence ne fera qu'entraîner les déportés aussi dans une dépression et dans un chaos personnel encore plus grand. Finalement face à l¡¯atrocité, selon la philosophe juive, «notre unique obligation morale, c¡¯est de défricher en nous même de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche jusqu¡¯à ce que cette paix irradie les autres. Plus il y aura de paix dans les êtres plus il y en aura dans ce monde en ébullition».
Un témoignage historique
Etty refuse le ressentiment et se rapproche de la pensée de la non-violence. Cependant, elle affirme que «l¡¯absence de haine n¡¯implique pas nécessairement l¡¯absence d¡¯une élémentaire indignation morale». Cela «n¡¯exclut pas malgré tout le jugement que devront subir les nazis», précise Cécilia Dutter. «Moralement elle est tout à fait affectée par ce qu¡¯il se passe et elle affirme que des sanctions seront nécessaires», ajoute l¡¯écrivaine. Etty laisse le soin à l¡¯ordre judiciaire d¡¯endosser ce rôle après la guerre. Mais c¡¯est aussi pour cela que la jeune femme consigne ces horreurs dans son journal et dans sa correspondance pour qu¡¯ils soient publiés plus tard. À ce titre, ses écrits constituent un témoignage autant littéraire et spirituel qu¡¯historique.
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