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Anura Kumara Dissanayaka, nouveau président du Sri Lanka. Anura Kumara Dissanayaka, nouveau président du Sri Lanka.  

Le nouveau président du Sri Lanka en attente d’une majorité

Ce jeudi 14 novembre, les électeurs sri-lankais étaient appelés aux urnes pour élire leurs 225 députés. Après sa victoire en septembre, le premier président de gauche du pays, Anura Kumara Dissanayaka, espère bénéficier d’une majorité solide pour mettre en œuvre son programme, dans un pays qui subit depuis deux ans une cure d’austérité.

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

À 55 ans, le nouveau président du Sri Lanka bouleverse le paysage politique du pays. Admirateur de Karl Marx et de Che Guevara, Anura Kumara Dissanayaka (AKD) a renversé la dynastie des Rajapaksa, une famille dominant les arcanes du pouvoir depuis plus de 50 ans, en se faisant élire le 22 septembre 2024. Il cherche désormais à disposer d’une majorité au Parlement et à constituer son gouvernement, ce pourquoi il a anticipé les élections législatives qui se tiennent ce jeudi 14 novembre.

La lutte contre la corruption des élites

«Le prestige d’Anura Kumara Dissanayaka est intact deux mois après son élection», constate Éric-Paul Meyer, professeur émérite à l’Inalco. Agissant déjà contre la corruption des élites, le spécialiste de l’Asie estime «qu’il est possible que la population continue à le soutenir même si les conditions matérielles sont encore difficiles».

En effet, l'accession à la présidence d’AKD ne peut se comprendre sans le mouvement de l’Aragalaya, lorsqu’en 2022, une série de manifestations pousse le président Gotabaya Rajapaksa et son gouvernement à la démission. La révolte populaire visait la corruption des élites et l’incurie des responsables politiques: le Sri Lanka avait même fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022. Ces thèmes de mécontentement de la population ont d'ailleurs été au centre de la campagne présidentielle d'Anura Kumara Dissanayaka. 

Une situation économique améliorée

Depuis deux ans, le pays subit des mesures d’austérité dans le cadre d’un accord de restructuration de la dette avec le FMI. Toutefois, «l’accord avec le FMI n’est pas caduque», assure Éric-Paul Meyer, «il va chercher à le renégocier, au moins à la marge, mais il n'a pas les coudées franches». La Chine, principal créancier du Sri Lanka, et le FMI se sont dit ouverts à d’éventuelles négociations. 

Depuis deux ans, la population a souffert des mesures de sévérité budgétaire mais la croissance est repartie à la hausse (4,7% au deuxième trimestre 2024) et l’inflation a été contrôlée (2,4% sur les douze derniers mois). Autre atout: le jeune président, issu d’un milieu paysan, a nommé Harini Amarasuriya, une femme «qui incarne un milieu beaucoup plus occidentalisé», lui offrant le soutien des milieux plus intellectuels.

Des électeurs au Sri Lanka faisant la queue pour voter.
Des électeurs au Sri Lanka faisant la queue pour voter.

Des élections incertaines

Avec trois députés sur 225 dans la précédente législature, le personnel politique issu du parti présidentiel, le Front de libération du peuple (JVP) sera constitué majoritairement de novices politiques. Le fait que le JVP n’a pas mené de campagne de terrain depuis des décennies, et plus encore «qu’il ait un passé qui est vu, au moins par les personnes les plus âgées, comme un passé d'organisation révolutionnaire qui a déstabilisé le pays dans les années 80, il est possible que ça réduise le nombre de députés», précise Éric-Paul Meyer.

Toutefois, les autres partis ne disposent pas de personnalités capables de créer un engouement tel que celui d’AKD, poursuit-il. Même le représentant des Rajapaksa, humilié lors de la présidentielle de septembre avec seulement 2,6% des voix, ne semble pas en mesure aujourd’hui de mettre en danger le nouveau président.

Les mêmes droits pour toutes les minorités

Outre son programme économique, Anura Kumara Dissanayaka souhaite «donner des droits égaux à toutes les minorités du Sri Lanka». Un projet ambitieux dans un pays encore marqué par le souvenir de la guerre civile de 1983 à 2009 entre les Cinghalais bouddhiste (environ 75% de la population) et les Tamouls hindous, musulmans ou chrétiens.

Enfin, le nouveau président a relancé l’enquête sur les attentats de Pâques 2019, qui avaient faits près de 300 morts. L’enquête semblait bloquée, notamment en raison d’une possible connaissance des services secrets sous la coupe du régime des Rajapaksa de l’imminence des attentats. «Il a nommé comme chef de la police quelqu'un qui avait été écarté par le régime Rajapaksa pour avoir cherché d'un peu plus près les responsabilités au niveau des services secrets de l'armée», explique Éric-Paul Meyer.

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14 novembre 2024, 12:13