?lection pr¨¦sidentielle tchadienne dans un climat d'incertitude
Jacques Ngol, SJ ¨C Cité du Vatican
Dix candidats sont en lice pour l¡¯élection présidentielle au Tchad, parmi lesquels le président de transition Mahamat Idriss Déby Itno, candidat de la coalition «Tchad Uni», et son actuel premier ministre Succès Masra, président du parti les Transformateurs, à la tête de la coalition «Justice et Égalité».
Le président et son premier ministre favoris
La campagne électorale débutée le 14 avril s¡¯est «passée plus ou moins dans le calme, sauf qu'à la dernière minute, on a constaté que le premier ministre avait annulé son voyage dans la partie septentrionale du Tchad», relève l¡¯analyste politique. Les raisons qui ont motivé cette annulation, explique-t-il, seraient liées aux «menaces proférées par un haut responsable de cette région, qui l'avait dissuadé de faire le déplacement sur Faya». Aussi, poursuit-il, «on a constaté que parmi les listes des candidats qui étaient retenus et qui ont participé à cette campagne, ceux qui en étaient exclus étaient pour la plupart de la partie septentrionale du Tchad. Donc, le parti au pouvoir, la coalition Tchad-Uni, ne voulait pas trouver des concurrents dans cette partie du pays». En outre, l¡¯enseignant à l¡¯université de Ndjamena souligne «des attaques verbales des candidats», les uns envers les autres, notamment «le président de transition envers ses anciens premiers ministres, puis l'actuel et l¡¯ancien premier ministre aussi, qui ont répondu à leur tour au président». Parmi les évènements qui ont marqué négativement le déroulement de la campagne, «les membres du groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP)[ont été] interceptés et molestés», alors qu¡¯ils battaient campagne pour le boycott des élections; un bureau «d'un candidat rejeté a été également dévasté».
D¡¯après son observation, Évariste Ngarlem relève que parmi les dix candidats, le président de transition et son premier ministre étaient les plus favorisés dans l¡¯organisation de la campagne du simple fait qu¡¯ils n¡¯ont pas «démissionné de leur fonction, ils ont gardé tous les avantages». En dehors d¡¯eux, l¡¯ancien premier ministre a pu mobiliser la foule. «Ce qui a fait qu'il n'y avait pas d'équité lors de cette campagne», fait remarquer l¡¯universitaire.
Des programmes sans projets de société concrets
Répondant à la question de savoir si «les projets de société présentés par les 10 candidats répondent aux besoins des Tchadiens», Évariste Ngarlem émet des doutes, se demandant «s'il y a vraiment des projets de sociétés». Pour lui, les candidats se sont beaucoup appesantis sur certaines questions, mais «les véritables problèmes auxquels les Tchadiens s'attendaient, à avoir des solutions, notamment la question nord-sud, l'antagonisme chrétien-musulman, le conflit agriculteur-éleveur», n¡¯ont pas été abordés par les candidats. Et même lorsqu¡¯ils se sont approchés de ces questions, «ils n'ont pas proposé de solutions». Entre autres questions cruciales, l¡¯enseignant-chercheur pointe du doigt la situation de l¡¯armée, qui a selon lui besoin d¡¯être modernisée, ou encore le manque de «neutralité de l'administration». D¡¯après lui, tous les candidats reviennent sur «les mêmes problèmes, alors que le véritable problème qui est le quotidien des Tchadiens, tels que: comment faire pour que le Tchadien mange à sa faim, comment faire pour que la sécurité du Tchadien soit assurée, n'ont vraiment pas trouvé de solutions dans les interventions des différents candidats», fait-il savoir.
Incertitudes et peurs
Conséquence des tensions observées, des peurs et inquiétudes s¡¯expriment. Pour certains, affirme Évariste Ngralem, ces élections ne sont qu¡¯une «formalité», pour reconduire l¡¯actuel président, toutefois, «il faut reconnaître aussi qu'il y a une volonté de changement qui s'est affichée avec les meetings populaires qu'il y a eu, avec les foules qui se sont amassées derrière le premier ministre», relève-t-il. Le climat tendu porte les Tchadiens à craindre qu¡¯à l¡¯issue du scrutin, aussi bien le président que le premier ministre revendiquent la victoire. Selon lui, «si le président de transition est déclaré vainqueur, les partisans du premier ministre ne l'accepteraient pas». Et même si le Premier ministre accepte et félicite son concurrent, «ses partisans ne le suivront pas». L¡¯on craint donc que ce soit une fois de plus «des contestations, des manifestations et des tensions qui reviennent encore dans les rues, dans les provinces et dans les villes du Tchad». De l¡¯autre côté, continue-t-il, «si c'est le premier ministre qui est élu, ce n¡¯est pas sûr que les proches du président puissent l'accepter parce qu¡¯ils ne sont pas prêts à céder le pouvoir». Car, ajoute-t-il, une autre conception du pouvoir émerge, selon laquelle «le pouvoir ne s'obtient pas par les urnes, il s'obtient d'abord par les armes et il est difficile que par les urnes, on puisse renverser ceux qui sont venus au pouvoir par les armes».
Les influences étrangères
Concernant les influences externes sur le déroulement du processus électoral, l¡¯analyste tchadien fait savoir qu¡¯il est difficile de les évaluer. Des pays comme «la France, les Etats-Unis, la Russie °Ú¡±Õ sont partagées entre le président et le Premier ministre». Tout ce qu'ils souhaitent, souligne Évariste Ngarlem, «c'est que le processus soit transparent». En revanche, il rappelle une phrase «du ministre des Affaires étrangères qui pointe un doigt accusateur sur le Soudan, qui serait en train de former des rebelles proches de Yaya Diallo, assassiné il y a deux mois».
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