Mgr Roug¨¦: face ¨¤ la violence latente et croissante, rouvrir d¡¯urgence le dialogue
Delphine Allaire - Cité du Vatican
Ces violences ont été déclenchées par la mort d¡¯un jeune de 17 ans, tué par un policier mardi 27 juin dans la banlieue parisienne de Nanterre, et dont les obsèques ont lieu samedi 1er juillet. Depuis mardi, trois nuits d¡¯émeutes faites de pillages, de dégradations et d¡¯affrontements avec la police dans les grandes et moyennes villes françaises. Le chef de l¡¯État, Emmanuel Macron, en appelle vendredi à la responsabilité des parents des émeutiers, souvent très jeunes, de même qu¡¯à celle des plateformes de réseaux sociaux, citant Snapchat et TikTok, applications sur lesquelles s¡¯orchestrent selon lui les rassemblements violents.
Du message des responsables religieux au niveau local
Du côté des autorités religieuses de France, Mgr Matthieu Rougé, évêque du diocèse des Hauts-de-Seine, près de Paris, a pour sa part lancé un appel commun au calme dès jeudi 29 juin avec des responsables locaux d¡¯autres confessions: «Responsables religieux de la ville de Nanterre et engagés depuis longtemps pour la fraternité, nous voulons en appeler ensemble, en ces heures si éprouvantes pour notre ville et notre pays, au dialogue et à la paix». Ce texte conclu rapidement et «avec facilité» au niveau local a abouti les heures suivantes à un appel des différents représentants religieux au niveau national.
À l'appel des autorités religieuses nationales
Vendredi 30 juin, la conférence des responsables de culte en France (CRFC) a partagé un appel au dialogue et à la paix. Un texte signé par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président des évêques catholiques de France, le Grand rabbin Haïm Korsia, le recteur de la Grande Mosquée de Paris et le président du CFCM, ou encore le président des évêques orthodoxes, celui de la Fédération protestante ainsi que de l'Union bouddhiste. Les responsables exhortent à la sauvegarde et à la consolidation «du lien de confiance nécessaire entre la population et les forces de l'ordre» qui ont «tant donné lors des épreuves que le pays a traversées».
Déplorant «vivement» les destructions d'écoles, de magasins, de mairies, des moyens de transport, ils rappellent que «les premiers à souffrir des conséquences de cela sont justement les habitants, les familles et les enfants de ces quartiers». Encourageant les gouvernants et les élus de la nation «à ?uvrer ensemble avec responsabilité, pour ramener la justice et la paix», les responsables des cultes donnent tous leur disponibilité pour pouvoir y contribuer.
La conférence des évêques de France a aussi proposé aux catholiques du pays pour le retour à la paix. Entretien avec Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, ville épicentre des violences. Il invite tous les croyants à être des serviteurs de la paix, réaffirmant d¡¯une seule voix avec les autres responsables religieux, «que la violence n¡¯est jamais un bon chemin».
Quelle est la situation dans votre diocèse après trois nuits de violences?
Les quelques endroits où j¡¯ai pu me rendre vendredi matin sont marqués par des dégradations, des voitures brûlées, et une grande émotion de la population dans les quartiers les plus sensibles. J¡¯ai rejoint quelques fidèles à la fin d¡¯une messe dans la petite église au milieu de la cité Picasso. Ils persévéraient dans la prière, dans l¡¯espérance et dans le désir de contribuer à la paix, mais ils étaient très émus.
En dehors de Nanterre, de nombreuses autres villes de France s¡¯embrasent. Que vous inspirent ces événements?
Il y a dans la société française une très grande violence latente, croissante, depuis plusieurs années. Elle a de multiples causes qu¡¯il faudrait identifier avec un surcroît de lucidité. Il a suffi d¡¯une étincelle pour que la violence et les quartiers s¡¯embrasent. Aujourd¡¯hui, il faut absolument rouvrir les chemins qui mènent à la paix. Ils passent nécessairement par un dialogue où chacun peut exprimer sa colère, où chacun peut être entendu, où quelque chose se passe pour sortir de ce cycle infernal.
Quel est la nature de ce malaise profond et latent dans la société française?
Il y a une dimension sociale, éducative, familiale. Globalement, une prise en compte insuffisante de la dignité humaine dans toutes les dimensions de la vie collective. Cela conduit au fait que plus personne ne respecte plus vraiment personne. Du point de vue familial, l¡¯on parle beaucoup de la mère du jeune qui est mort, mais nous ne parlons pas de son père. Je suis très frappé de voir dans les quartiers les plus sensibles de mon diocèse qu¡¯il y a beaucoup de mères formidables et courageuses. Elles se battent pour leurs enfants, mais elles sont seules. Dans ce déséquilibre familial réside sûrement l¡¯une des causes de la violence.
Comment l¡¯Église catholique peut-elle se positionner face à ce défi de la violence?
Dans l¡¯immédiat, j¡¯identifie trois aspects. D¡¯abord, la prière. Il faut prier et rassembler les fidèles pour la prière, qu¡¯ensemble nous demandions le don de la paix, que le Seigneur désarme les c?urs et ouvre les chemins de dialogue. Ensuite, la sollicitude fraternelle nous incombe. Les fidèles de nos communautés dans les quartiers les plus sensibles vivent au milieu des autres dans des endroits où il y a eu depuis trois nuits des tirs de mortier, des voitures brûlées, des magasins abîmés, des écoles défoncées. Tout cela est traumatisant pour des personnes qui se demandent à chaque moment si un feu d¡¯artifice ne va pas mettre le feu à leur appartement.
Enfin, il s¡¯agit de contribuer avec tous les autres acteurs de la société à faire revenir le dialogue. Avec les différents responsables religieux de la ville de Nanterre, chrétiens non-catholiques, juifs, musulmans, nous avons lancé jeudi un appel à la solidarité et au dialogue. Quelle que soit notre grande compassion à l¡¯égard de la famille endeuillée, nous affirmons que la violence n¡¯est jamais une réponse adéquate pour dépasser ce qui peut susciter la colère ou la souffrance.
Comment rendre la fraternité audible dans tel contexte?
Je suis déjà heureux que nous ayons pu, très facilement, nous mettre d¡¯accord avec l¡¯ensemble des responsables religieux de la ville de Nanterre. C¡¯est un signal important. La fraternité est plus actuelle que jamais. Quand elle est difficile, il faut la servir. C¡¯est toute ma réflexion et mon activité en ces heures: voir tout ce qui pourrait être fait pour favoriser le dialogue et un retour à la paix.
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