La mer Noire, l¡¯autre front de la guerre en Ukraine
Entretien réalisé par Xavier Sartre ¨C Cité du Vatican
La guerre en Ukraine est essentiellement un conflit terrestre. L¡¯aviation est peu utilisée, et la marine ne joue qu¡¯un rôle marginal. Il y a eu certes des combats au début de la guerre pour le contrôle des îles des Serpents. Les navires russes tirent des missiles vers le territoire ukrainien. Mais les eaux de la mer Noire demeurent d¡¯autant plus tranquilles qu¡¯elles sont stratégiques, notamment pour l¡¯exportation des grains ukrainiens et russes.
À cela, il y a une première raison, explique Jean-Sylvestre Mongrenier, directeur de recherche à l¡¯institut Thomas More: «l¡¯Ukraine n¡¯a pas de véritable flotte» mais elle possède des systèmes anti-navals qui empêche la marine russe d¡¯agir contre le littoral ukrainien et de mener des opérations amphibies. Cela limite donc les affrontements en mer et les actions menées depuis le large.
La raison principale demeure cependant la fermeture de l¡¯accès à la mer Noire par la Turquie qui commande les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Aucun navire de guerre ne transite par cette unique voie d¡¯accès dans un sens ou dans l¡¯autre. Les Occidentaux qui soutiennent Kiev ne peuvent donc pas y pénétrer et les Russes ne peuvent renforcer leurs forces par celles présentes en Méditerranée ou ailleurs. «La Turquie, malgré sa position incertaine, a joué son rôle et contribue à la sécurité du littoral ukrainien» précise le chercheur en géopolitique.
Le jeu d¡¯équilibre d¡¯Ankara
La Turquie se retrouve dans une position paradoxale. Au début de la guerre, le président turc Recep Tayyip Erdogan se posait en médiateur entre Russes et Ukrainiens, tentant d¡¯arracher un cessez-le-feu, en vain. Il est néanmoins parvenu à faire accepter par les deux parties un accord pour l¡¯exportation des céréales, vitales pour de nombreux pays à travers le globe. Mais la poursuite de la guerre et le soutien toujours plus grand des Occidentaux à l¡¯Ukraine, le placent dans une situation de plus en plus inconfortable, estime Jean-Sylvestre Mongrenier.
Ankara a un partenariat de défense avec Kiev mais n¡¯a pris aucune sanction contre Moscou, et a développé des partenariats énergétique et alimentaire. Mais «au fur et à mesure que cette guerre monte en puissance, il n¡¯est pas sûr que la Turquie puisse rester sur cette ligne de crête. Plus la situation s¡¯aggrave, plus elle devra choisir son camp, et son camp c¡¯est l¡¯Alliance atlantique», précise-t-il.
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