Vers une reconnaissance fran?aise du g¨¦nocide assyro-chald¨¦en
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
Le 8 février dernier, il y a un mois, le Sénat français votait à écrasante majorité la reconnaissance française de ces massacres comme génocide. La proposition de loi est désormais examinée à l¡¯Assemblée nationale. Un enjeu mémoriel, historique, culturel, voire spirituel de taille pour la communauté assyro-chaldéenne, diaspora ou non, qui a souffert d¡¯un certain oubli par rapport à ses frères d¡¯Arménie.
L'historien Joseph Yacoub, spécialiste de l¡¯histoire des chrétiens d¡¯Orient, nous éclaire sur l¡¯ampleur de ce génocide et l¡¯importance de sa reconnaissance pour les Assyro-chaldéens qui parlent encore la langue du Christ, l¡¯araméen.
Quelle a été l¡¯ampleur des crimes commis contre les Assyro-chaldéens en pleine guerre mondiale, entre 1915 et 1918, sous l¡¯Empire ottoman?
Les Assyro-chaldéens ont été victimes d¡¯une tragédie génocidaire et ethnocidaire commise par l¡¯Empire ottoman en Anatolie orientale, au nord-ouest de l¡¯Iran, où plus de 250 000 d¡¯entre eux ont été massacrés sur une population de 550 000. Soit un Assyro-chaldéen sur deux. Cette tragédie les a profondément marqués. Elle se caractérise par une extermination massive, délibérée et concertée de la population, au même titre que les Arméniens, dans le but de mettre fin à toute présence non-turque au nom du djihad et de l¡¯islamisme utilisé à cet effet. Plus de 450 monastères et églises ont été détruits et profanés. De même pour les écoles.
Beaucoup de voix se sont élevées sur cette question à l¡¯époque pour dénoncer ces massacres. Des ouvrages ont été publiés dès 1916 aux États-Unis, en Angleterre et en France. Missionnaires et diplomates se sont activés pour révéler cette histoire au grand jour, de sorte qu¡¯elle a été connue des pouvoirs publics, intellectuels et médiatiques de l¡¯époque jusqu¡¯en 1925.
Pourquoi le massacre des Assyro-chaldéens a-t-il souffert de reconnaissance par rapport au génocide arménien?
La question était connue de tous entre 1915 et 1925 au niveau international. Des délégués civils, religieux et laïcs sont venus à la conférence de la paix en 1919 plaider la cause des Assyro-chaldéens. Le Vatican également était très informé, le Secrétaire d¡¯État, le cardinal Pietro Gasparri en particulier. Le monde occidental savait. Mais après 1925, une sorte de chappe de plomb est venu éclipser cette question jusqu¡¯en 1980. Cela s¡¯explique par plusieurs raisons. À partir de 1980, décennie concomitante au développement de la diaspora assyro-chaldéenne d¡¯Orient en Occident, les nouvelles générations qui ont accédé à la connaissance et à la culture se sont progressivement intéressées au sujet. Elles ont pris conscience du drame arrivé à leurs parents et grands-parents, et la question a été réinstruite à l¡¯ordre du jour.
Il s¡¯agit d¡¯une mission plus large pour la survie de l¡¯ensemble des chrétiens d¡¯Orient. Pourquoi est-ce si important que la France s¡¯attache à les défendre?
Depuis les Capitulations conclues entre le François Ier et le sultan Soliman le Magnifique, la première en 1535, la France préserve cette tradition de bienveillance à l¡¯égard des chrétiens d¡¯Orient. La France est très active en Orient. D¡¯ailleurs un certain nombre de ses diplomates, ambassadeurs comme consuls, avaient constaté ces massacres. Cet intérêt pour les chrétiens d¡¯Orient comme minorité opprimée et persécutée ne s¡¯est jamais essoufflé depuis.
Il faut dire aussi que le travail mené par les organisations assyro-chaldéennes en France par exemple y a beaucoup fait, en particulier les associations historiques dans le Val d¡¯Oise, à Sarcelles. Elles ont ?uvré auprès des autorités locales, départementales, régionales et nationales en vue de cette prise de conscience. Ce débat a été désormais ouvert au Parlement, examiné publiquement par les sénateurs, adopté à une écrasante majorité -300 sénateurs pour, 2 contre. Une nouvelle page s¡¯est ouverte pour les Assyro-chaldéens, justice a été rendu à ce peuple souffrant.
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