Une pr¨¦sidence tch¨¨que de l'UE tourn¨¦e vers Kiev
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
Mercredi 6 juillet, le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, un ancien politologue qui a coécrit un livre sur l'UE, présentait le programme et les objectifs de ce semestre devant le Parlement européen à Strasbourg. Outre l¡¯organisation d¡¯un sommet de chefs d¡¯États sur l¡¯Ukraine, avec les Balkans occidentaux, le chef du gouvernement conservateur a annoncé une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Énergie, le 26 juillet prochain.
Petr Fiala a ainsi résumé les cinq priorités: «Nous voulons nous concentrer sur la gestion de la crise des réfugiés et le redressement de l'Ukraine après la guerre, la sécurité énergétique, le renforcement des capacités de défense de l'Europe et la stratégie de sécurité du cyberespace, la résilience de l'économie européenne et enfin, la résilience des institutions démocratiques».
Pavel Miksu, ancien rédacteur en chef de Radio Proglas, unique radio chrétienne de Tchéquie, nous décrypte les enjeux de ce semestre pour Prague.
La guerre en Ukraine sera au centre de la présidence tchèque du Conseil de l¡¯UE. Quel ton diplomatique affiche Prague depuis le début du conflit?
Il y a une grande proximité, pas seulement géographique, une forte amitié entre nos deux pays, qui date de trente ans. Depuis la chute du communisme, beaucoup d¡¯Ukrainiens se sont installés en République tchèque. Les familles tchèques sont ainsi mélangées. Depuis février, nous accueillons 300 000 réfugiés ukrainiens, soit 3% de la population tchèque, du jamais vu. Pour la France, ce serait l¡¯équivalent de 2 millions de réfugiés. Nous les accueillons à bras ouverts.
Au niveau diplomatique, Prague tente de faire l¡¯effort de trouver des alliés en dehors de ceux -très naturels- d¡¯Europe centrale et orientale. La Pologne, la Moldavie, la Slovaquie, la Hongrie, sont aujourd¡¯hui débordées de réfugiés et menacées par la Russie. Il s¡¯agit aussi de trouver des points communs avec les Vingt-Sept sur la sécurité énergétique et la sécurité tout court. Par exemple, la République tchèque a échangé avec la France ces dernières semaines et s¡¯est trouvée un point commun sur le recours énergétique aux centrales nucléaires. Des alliances au niveau des forces d¡¯équipes de sécurité, secteur négligé par l¡¯Union européenne avec tous les avertissements ignorés venus depuis des années d¡¯Europe centrale sur les opérations agressives menées par la Russie.
Quel est aujourd¡¯hui l¡¯état des relations avec les autres pays du groupe de Visegrád, ont-elles vocation à se renforcer?
Parmi les quatre pays de Visegrád, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque parlent d¡¯une même voix. C¡¯est très différent pour la Hongrie de Viktor Orban, qui n¡¯évolue pas vers des principes démocratiques. Le triangle de Visegrad est donc un peu dépassé en ce moment à cause des divergences de points de vue. Il faut toutefois rappeler que les Premiers ministres polonais, slovaque et tchèque étaient les premiers à avoir visiter Kiev, quinze jours après l¡¯éclatement de la guerre. Dès le début, nous les soutenons dans leurs efforts et aussi dans leur candidature d¡¯adhésion à l¡¯UE.
L¡¯enjeu est aussi énergétique pour les Tchèques et les Européens. Comment Prague compte-elle diminuer la dépendance énergétique?
Le précédent gouvernement tchèque a négligé cette question. Notre dépendance au gaz russe est de 100%. Prague a déployé des efforts immenses pour essayer de diversifier l¡¯approvisionnement de son réseau gazier, provenant du Qatar, des pays du Golfe, mais aussi du voisin polonais avec lequel le pays est relié par un gazoduc. Nous sommes malheureusement très liés à la Russie par des contrats. Trouver d¡¯autres mannes gazières est la préoccupation première des autorités tchèques en ce moment.
Quel est le rapport des tchèques au projet européen auquel le pays a adhéré en 2004?
Après la chute du communisme, le soutien au projet européen s¡¯élevait à 75% d¡¯opinions favorables. Après la crise migratoire de 2015, cette europhilie s¡¯est fortement érodée. Elle est de retour depuis quatre mois et le début de cette guerre sur le continent. L¡¯Europe est l¡¯unique voie pour notre pays.
La République tchèque est un petit pays de la dite Mitteleuropa, quelle serait sa vocation en Europe face à des États, qui ont plus tendance à phagocyter le paysage politique et diplomatique?
Le Premier ministre Petr Fiala, un catholique pratiquant -pas si fréquent dans la vie politique tchèque- est aussi l¡¯ancien recteur de l¡¯université Masaryk de Brno -ndlr la seconde du pays après l¡¯université Charles de Prague-. Il répète souvent que notre rôle en Europe est de perpétuer l¡¯héritage du président Vaclav Havel. C¡¯est-à-dire, placer l¡¯humanité avant toute chose. Nous ne pouvons pas vendre nos principes et valeurs, comme ce qu¡¯il s¡¯est un peu produit en Europe. Par exemple, lorsque l¡¯Allemagne a conclu des traités économiques avec la Russie. Pour nos pays à l¡¯expérience historique très différente, ce sont des choses inconcevables. Les Tchèques ont cette mission de veilleurs, de rappeler que les valeurs et les principes sont non négociables.
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