Turbulences politiques au ±Ê¨¦°ù´Ç³Ü, sur fond de malaise social
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani ¨C Cité du Vatican
Après vingt-quatre heures sans chef de l¡¯État, le Parlement péruvien a finalement élu lundi le député centriste Francisco Sagasti, 76 ans, président par intérim. Une nomination survenue après une semaine de tourmente sociale et politique.
Le 9 novembre dernier, le Parlement a en effet voté la destitution de Martin Vizcarra, contre qui une procédure avait été engagée début septembre. L¡¯ancien président, au pouvoir depuis 2008, s¡¯est retrouvé sur la sellette pour «incapacité morale», sur fond d¡¯accusations de corruption. À l¡¯issue de cette éviction, c¡¯est le président du Parlement, Manuel Merrino, qui a pris les rênes du pays; mais dimanche, sous la pression de la rue et de la classe politique, il est lui aussi poussé à la démission.
Pendant ce temps, dans ce pays durement touché par la pandémie de Covid-19, les manifestations se sont multipliées, les Péruviens fustigeant l¡¯accession au pouvoir de Manuel Merrino et réclamant sa démission. La contestation a été violemment réprimée par la police, deux personnes sont mortes et des dizaines ont été blessées.
Une déconnexion entre la société et la classe politique
«La situation politique reste très volatile au Pérou en ce moment», estime Alvaro Artigas Pereira, chercheur associé au CEE ¨C Sciences Po, spécialiste de l¡¯Amérique Latine. Selon lui, la nomination de Francisco Sagasti, candidat consensuel, est «une solution provisoire», le «choix d¡¯une élite», celui du seul parti qui n¡¯avait pas soutenu le président intérimaire Merrino.
La pays reste traversé par une crise institutionnelle et sociale majeure. Le système politique en vigueur depuis une vingtaine d¡¯années «n¡¯a jamais été une réponse aux problèmes des Péruviens», explique le chercheur. Comme dans d¡¯autres États du sous-continent sud-américain, le modèle économique dit «néolibéral» est à bout de souffle. «Certains équilibres sociaux ont été tolérés», «au détriment d¡¯une certaine justice sociale». Le domaine de la santé a par exemple été négligé, et les effets de la pandémie sont d¡¯autant plus ravageurs.
En 2021, le défi de l¡¯élection présidentielle
Alvaro Artigas Pereira invite par ailleurs à envisager la crise péruvienne «à partir d¡¯une logique régionale». «L¡¯Amérique latine se trouve aujourd¡¯hui à un tournant important», analyse-t-il, avec certains États qui s¡¯orientent vers des améliorations de leurs structures politiques et économiques, et d¡¯autres qui risquent de déraper vers des régimes autoritaires. À l¡¯intérieur même du Pérou, les disparités entre régions pourraient «réveiller des sentiments de sécession, des éruptions sociales très violentes». Les Péruviens, désemparés et en proie à une pauvreté croissante, «ne trouvent pas de représentants dans la classe politique» et aussi parmi les intellectuels.
Avec une scène politique en pleine ébullition et gangrénée par la corruption, l¡¯élection présidentielle de 2021 s¡¯annonce «très incertaine», avance le chercheur, avec le risque «d¡¯une démotivation importante» dans les rangs des électeurs. Une situation qui pourrait ouvrir la porte «à des leaders politiques de dernière minute» à tendance populiste, plutôt qu¡¯aux forces armées. L¡¯arrivée des démocrates aux États-Unis pourrait également avoir une influence non négligeable dans la région andine, après une ère Trump pendant laquelle les relations avec l¡¯Amérique latine se sont refroidies.
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