L¡¯?gypte prise dans le jeu libyen
Entretien réalisé par Xavier Sartre ¨C Cité du Vatican
L'Égypte se retrouve doublement impliquée dans le conflit libyen. D'une part, parce qu'elle partage une frontière commune et qu'elle subit directement le contre-coup de la crise libyenne avec la présence de réfugiés. Elle nourrit aussi depuis longtemps des liens assez étroits avec les tribus libyennes de l'Est. D'autre part, sa rivalité avec la Turquie, qui s'exprime dans différents pays, notamment le Soudan ou la Somalie, se trouve ravivée par la guerre en Libye. Le gouvernement turc soutient ouvertement celui de Tripoli, reconnu internationalement, et le Caire appuie le maréchal Haftar, qui contrôle l'Est de la Libye.
Ces dernières semaines, les événements se sont précipités. Le lundi 20 juillet, la Chambre des députés égyptienne a approuvé à l'unanimité l'envoi «d'éléments de l'armée égyptienne dans des missions de combat hors des frontières de l'État égyptien pour défendre la sécurité nationale égyptienne», ce qui donne le feu vert à une éventuelle intervention armée en Libye. Quatre jours auparavant, le président Abdel Fattah Al-Sissi avait affirmé que son pays ne resterait pas inerte dans le conflit en cours chez son voisin, face à une menace directe sur sa sécurité.
À Ankara aussi, le ton est monté: le 20 juillet également, la Turquie a appelé à mettre fin immédiatement au soutien aux forces du maréchal Haftar et le 22 juillet, le gouvernement turc prévenait qu'il n'hésiterait pas à prendre les mesures nécessaires pour soutenir le gouvernement d'union nationale libyen de Fayez al-Sarraj (GNA). Sur le terrain, les troupes du maréchal Haftar, après avoir menacé de prendre Tripoli, ont subi revers sur revers et ce sont maintenant les forces du GNA qui menacent l'Est et de leur infliger une défaite sévère. Ce revers de fortune dans le domaine des armes pousse donc le Caire à se préparer à intervenir.
Un grand jeu géopolitique
Ces revers successifs du maréchal Haftar «s'inscrivent dans un grand jeu géopolitique en Afrique orientale, qui opposent d'un côté les pays conservateurs sunnites, notamment l'Égypte, soutenue par les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite et de l'autre côté la Turquie qui fait financer ses projets de développement dans la région par le Qatar», explique Jean Marcou, professeur à l¡¯IEP de Grenoble.
Mais c'est encore pour le moment «une opération diplomatique visant à montrer, notamment à la Turquie, que l'Égypte serait prête à aller jusqu'au bout,» précise l'universitaire. Dans cette affaire, le Caire peut compter sur deux partenaires «fiables» que sont la France, «qui n'a pas hésité à réagir à plusieurs reprises de manière assez ferme à la Turquie, bien qu'elles soient alliées dans le cadre de l'Otan, et la Russie, qui n'intervient pas directement mais qui est impliquée aux côtés des forces orientales libyennes par le biais de ses mercenaires de l'entreprise Wagner» ajoute-t-il.
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