L¡¯Argentine de nouveau face au d¨¦fi de la dette
Entretien réalisé par Xavier Sartre ¨C Cité du Vatican
«Nous allons payer autant que possible, pas un millimètre de plus» a déclaré mercredi 17 juin le président argentin, Alberto Fernandez. Ces propos interviennent alors que son gouvernement devait présenter ce vendredi une offre aux créanciers privés du pays, une semaine après un premier délai qui a donc été repoussé. Mais cette déclaration fait douter certains de la possibilité de trouver un compromis. Une action en justice aux États-Unis est déjà à l¡¯étude a annoncé l¡¯Ad Hoc Argentine Bondholder Group, qui rassemble plusieurs fonds privés comme Black Rock.
En tout, l¡¯Argentine doit rembourser dans l¡¯immédiat 66 milliards de dollars. Le but des négociations est de transformer cette dette en une nouvelle via l¡¯échange de titres décotés. C¡¯est le principe d¡¯une restructuration: les créanciers acceptent une perte en échange d¡¯un remboursement sécurisé. Cette somme est partagée entre trois groupes: des créanciers purement privés, des fonds d¡¯investissement qui détiennent à eux seuls 40% de cette dette mais qui ont des titres à long terme (parfois cent ans) et des titres à plus court termes, et enfin des créanciers qui avaient accepté auparavant une restructuration de leurs créances de 2005. Difficile dans ces conditions de trouver un accord dans la mesure où les créanciers sont divisés.
L¡¯enjeu de la soutenabilité de la dette
«C¡¯est une négociation complexe», explique Carlos Quenan, vice-président de l¡¯Institut des Amériques et professeur à l¡¯Institut des hautes études de l¡¯Amérique latine de l¡¯université Sorbonne-Nouvelle. «C¡¯est raisonnable de vouloir éviter de s¡¯engager dans un accord qui ne serait pas ensuite soutenable. L¡¯Argentine a l¡¯expérience d¡¯échanges de dette qui finalement, un ou deux ans après, se sont révélés impossibles à honorer».
Au pouvoir depuis le 10 décembre 2019, Alberto Fernandez a conditionné sa politique économique visant à redresser le pays à la restructuration de la dette qui étrangle les finances publiques. C¡¯est dire l¡¯urgence de trouver un accord, six mois après sa prise de fonction. Si des lignes générales ont déjà été annoncées, comme la promotion des exportations traditionnelles du pays et le secteur énergétique, tout reste à préciser. Selon Carlos Quenan, le gouvernement pourrait le faire à peine l¡¯accord conclu ou au moment de l¡¯ouverture d¡¯un autre cycle de négociations avec un autre créancier bien connus des Argentins, le Fonds monétaire international (FMI).
Le FMI bienveillant
«Les discussions avec le Fonds monétaire international vont être aussi associés à la mise en place de certaines réformes, de certaines orientations économiques. C¡¯est là que le gouvernement devra montrer qu¡¯elle est sa stratégie» précise l¡¯économiste. L¡¯Argentine doit 44 milliards de dollars au FMI. En 2018, quand le président Mauricio Macri a contracté le prêt, le FMI devait verser au total 57 milliards de dollars. Mais les derniers versements ont été interrompus à la demande d¡¯Alberto Fernandez qui n¡¯a pas voulu ajouter davantage de dette à celle déjà existante.
Loin de créer une nouvelle crise avec le FMI et de perpétuer des années de mauvaises relations, cette volonté des autorités argentines de rembourser dans de bonnes conditions et de manière soutenable leur dette, est perçue assez bien par l¡¯institution de Washington. «On est dans une situation assez inédite avec un soutien du FMI dans un contexte de crise de la dette souveraine», remarque Carlos Quenan. Ce qui ne fut pas le cas dans le passé, principalement après la crise de 2001. «Le FMI devrait être du coup plus souple en accordant des taux d¡¯intérêt moins élevés» évoque le vice-président de l¡¯Institut des Amériques. «Le FMI pourrait aussi donner un signal très positif à l¡¯Argentine en débloquant des fonds dits covid-19 qui sont assez avantageux en terme de taux d¡¯intérêt annuels, de l¡¯ordre d¡¯1,5%».
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