Mac¨¦doine du Nord: panorama politique et social d'un pays pluriethnique
Entretien réalisé par Marie Duhamel ¨C Cité du Vatican
Avec près de 52% des voix, c'est le social-démocrate Stevo Pendarovski, dont le parti dirige la coalition au pouvoir, qui a remporté l'élection. Mais c'est bien l'incertitude qui dominait avant le vote. Le quorum nécessaire à la validité du scrutin, soit 40% de participation, serait-il atteint ? Un président serait-il élu ? les autorités songeaient déjà à modifier la Constitution, à convoquer de nouvelles élections ou encore à autoriser le parlement à choisir lui-même un chef à l¡¯Etat.
En effet, le taux de participation au premier tour de la présidentielle avait été historiquement bas, -41, 8%-, soit le plus faible depuis l¡¯indépendance du pays en 1991. A peine plus de 4 électeurs sur dix.
A quoi est dûe cette apathie, ce désamour des Nord-Macédoniens pour leur classe dirigeante? Jean-Arnault Derens est le rédacteur en chef du Courrier des Balkans et le co-auteur de «Là où se mêlent les eaux. Des Balkans au Caucase dans l'Europe des confins» publié l'an dernier aux éditions La Découverte.
Il semble que l¡¯action politique du Premier ministre social-démocrate Zoran Zaev, n¡¯ait pas convaincu. Soutenu par les partis albanais, sa nomination comme chef de l¡¯exécutif en mai 2017 avait suscité beaucoup d¡¯espoir après dix ans de pouvoir pour les chrétiens démocrates nationalistes du VMRO-DPMNE, conduit par Nikola Gruevski, l¡¯ancien Premier ministre condamné à deux ans de prison pour abus de pouvoir et aujourd¡¯hui en fuite en Hongrie. Des problèmes de corruption, de népotisme et d¡¯influence sur la justice demeurent dans le pays.
Aujourd¡¯hui, le taux de chômage officiel dépasse les 20%. Le salaire moyen stagne à 400 euros et l¡¯émigration s¡¯apparente à un exode. Certaines zones du pays ressembleraient aujourd¡¯hui à des «déserts vidés de toute présence humaine» souligne Jean-Arnault Derens.
Les Accords de Prespa
La signature des Accords de Prespa avec la Grèce en juin 2018 et la possibilité d¡¯adhérer à l¡¯Otan n¡¯ont pas non plus enthousiasmé les Nord-Macédoniens, malgré la grande satisfaction des Nations unies. Son secrétaire général Antonio Guterres évoquait un pas vers la «réconciliation dans les Balkans».
Officiellement, cet accord a mis fin à 27 ans de querelles. Avec son accession à l¡¯indépendance, l¡¯ancienne République yougoslave n¡¯a plus caché ses revendications sur l¡¯héritage plurimillénaire porté par cette région: celui d¡¯Alexandre le Grand et de son père Philippe II, dont les Grecs affirment être les dépositaires. L¡¯aéroport international de Skopje sera débaptisé et les statues à l¡¯effigie des deux hommes se verront accoler une plaque explicative. C¡¯était également une bataille sémantique portant sur le nom du petit état balkanique. Il s¡¯appelle désormais ¡®Macédoine du Nord¡¯.
Plusieurs communautés peuplent le pays : essentiellement des Macédoniens qui représentent 64% des 2,1 millions d¡¯habitants, mais également des Albanais (25%) ou encore des Turcs, des Roms ou des Serbes.
Un pays multi-ethnique
Fermeture d¡¯une université en langue albanaise, problèmes linguistiques, d¡¯échec scolaire et d¡¯insertion professionnelle ou dans la société. En 2001, des membres de la communauté albanaise se sont rebellés contre la marginalisation de leur communauté pourtant importante, notamment depuis l¡¯arrivée massive de Kosovars albanais après 1999. L¡¯insurrection dura sept mois et s¡¯acheva par les accords d¡¯Ohrid, grâce à l¡¯intervention active de l¡¯Otan.
Depuis, des pas ont été accomplis. Le 31 janvier dernier, le président du parlement Talat Xhaferi a ouvert et présidé une session de travail officielle en albanais, après l¡¯entrée en vigueur d¡¯une loi renforçant l¡¯usage de cette langue dans le pays, condition du soutien des partis albanais au Premier ministre Zaev. Elle a été en revanche rejetée par l¡¯opposition.
La majorité de la population est de confession orthodoxe appartenant à l¡¯Eglise autocéphale de Macédoine qui n¡¯est reconnue par aucune autre église orthodoxe voisine. Les musulmans représentent 33% de la population et les catholiques 1% des habitants de Macédoine du Nord.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester inform¨¦, inscrivez-vous ¨¤ la lettre d¡¯information en cliquant ici