Un monast¨¨re soigne les blessures des divisions religieuses en Irak
Joseph Tulloch - Cité du Vatican
Lorsqu¡¯au milieu des années 1990, Jens Petzold est arrivé en Syrie, ce n'était censé être qu'une étape temporaire de son voyage vers l'Est depuis sa Suisse natale. Agnostique et chercheur spirituel, son véritable objectif était l'Asie de l'Est, où il espérait explorer le taoïsme et le bouddhisme zen. Pendant son séjour en Syrie, Jens Petzold a entendu parler du monastère de Mar Moussa, dans le désert. Datant du cinquième ou sixième siècle après J.-C., il avait récemment été rouvert par le jésuite italien Paolo Dall'Oglio, qui l'avait dédié au dialogue islamo-chrétien.
Jens Petzold a décidé de lui rendre visite et a été immédiatement fasciné: «À l¡¯époque, je ne pensais pas que les chrétiens étaient capables de prendre au sérieux une autre religion, sans la mépriser», raconte le père Petzold à Pope. «Cela m¡¯a beaucoup plu». Finalement, après plusieurs séjours à Mar Moussa, Jens Petzold décide d¡¯accéder au baptême. Peu de temps après, à la fin de 1996, il entre comme novice au monastère.
Arrivée au Kurdistan
S¡¯ensuit une décennie de service à Mar Moussa. Et puis, en 2010, Mgr Louis Raphael Sako -alors archevêque chaldéen de Kirkouk, aujourd¡¯hui patriarche de Bagdad- demande à la communauté d¡¯ouvrir un monastère en Irak, et Jens Petzold fait partie des moines de Mar Moussa envoyés en Irak pour donner vie au projet. Il y est toujours aujourd¡¯hui.
Il est à la tête du monastère Deir Mariam Al-Adra, qui se trouve à Souleimaniye, dans la région du Kurdistan, au nord de l¡¯Irak. Au même titre que le père Petzold -maintenant prêtre ordonné dans l¡¯Église catholique chaldéenne- le monastère abrite une religieuse allemande, s?ur Friederike Gräf, membre, elle aussi, de la communauté de Mar Moussa.
Le monastère compte également quelques employés à temps plein qui aident à la gestion de différents projets. Ils organisent des cours de langues: l¡¯enseignement du kurde aux Arabes, de l¡¯arabe aux Kurdes et de l¡¯anglais aux deux groupes. Ils proposent également des programmes sur des sujets tels que le management, la prise de décision, et répond aux besoins pastoraux de la petite communauté chrétienne locale. Et, comme le monastère de Mar Moussa en Syrie, le monastère irakien est activement impliqué dans la promotion du dialogue entre musulmans et chrétiens.
Dialogue interreligieux et consolidation de la paix
«En Irak, les frontières entre les différentes communautés sont beaucoup plus marquées qu¡¯en Syrie», explique le père Petzold. «En Syrie, je voyais souvent des étudiants de différentes religions voyager ensemble, par exemple. Cela arrive beaucoup moins en Irak». Jens Petzold a d¡¯abord douté que la mission de Mar Moussa, qui consiste à promouvoir la compréhension interreligieuse, puisse avoir le même succès à Souleimaniye. Mais, poursuit-il, «un jour, je me trouvais dans l¡¯église du monastère et je me suis rendu compte que la plupart des femmes qui venaient allumer des bougies devant l¡¯icône de la Vierge Marie étaient musulmanes». «C¡¯est à ce moment-là que j¡¯ai compris que cela pouvait fonctionner».
Tous les projets du monastère contribuent à l¡¯objectif de promotion des relations interreligieuses, note le père Petzold. Environ 2 000 à 3 000 personnes visitent le monastère chaque année pour participer à ses cours, et très peu d¡¯entre elles sont chrétiennes. Le prêtre helvétique pense que la plus grande contribution du monastère réside probablement dans les rencontres informelles qu¡¯il facilite. «L¡¯objectif principal est simplement de permettre aux gens de se rencontrer et de se parler», dit-il, expliquant que «boire du thé ensemble est probablement beaucoup plus efficace pour la consolidation de la paix que de longues discussions sur les droits de l¡¯homme». «C¡¯est ma conviction personnelle». Il ajoute en riant: «c¡¯est beaucoup plus difficile de tirer sur quelqu¡¯un après avoir bu une bonne tasse de thé ensemble».
L¡¯Église locale: des départs et des nouveaux arrivants
En sus de favoriser une meilleure compréhension entre les religions, le monastère de Souleimaniye a pour objectif de servir la population chrétienne locale. Après son ouverture, l¡¯une des principales priorités a été d¡¯aider les réfugiés chrétiens arrivés au Kurdistan. Beaucoup fuyaient la prise de contrôle du nord de l¡¯Irak par les islamistes de Daesh, d¡¯autres fuyaient l¡¯instabilité causée par la guerre en Syrie. Au plus fort de la crise des réfugiés, 255 chrétiens déplacés vivaient dans le monastère.
De ce nombre, seules trois ou quatre familles sont encore là aujourd¡¯hui, explique le père Jens. Un peu moins de la moitié sont rentrées chez elles et environ un tiers ont déménagé à l¡¯étranger. Cela signifie que la composition de la population chrétienne locale a radicalement changé. Le christianisme a des racines profondes dans la région et les chrétiens locaux sont traditionnellement arabophones. Aujourd¡¯hui, alors que de plus en plus de chrétiens arabes partent chercher fortune à l¡¯étranger, ils sont remplacés par des travailleurs migrants chrétiens venus d¡¯Asie de l¡¯Est et de certains pays d¡¯Afrique. «Ils amènent leur famille avec eux», explique le prêtre suisse, «et donc un jour, ces migrants seront les nouveaux chrétiens locaux. C'est notre mission de les servir».
Des graines d'espérance
Une grande partie du travail qui se fait au monastère, explique le prêtre suisse, est lié au désir de «donner un avenir aux jeunes d¡¯ici». «Je suis très intéressé par le travail avec les jeunes adultes», dit-il. «Ils ont beaucoup d¡¯énergie et ils ont encore beaucoup d¡¯espoir. Parfois, j¡¯observe leurs conversations, la façon par laquelle ils essaient de résoudre les problèmes ensemble, et j¡¯espère qu¡¯un jour, peut-être dans 15 ans, ils se souviendront de ces discussions, de cet esprit de travail en commun». Quant à savoir si l¡¯activité du monastère contribue à semer des graines d¡¯espérance, «notre objectif est d¡¯aider les personnes avec lesquelles nous travaillons à découvrir cette graine en elles-mêmes», dit-il.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester inform¨¦, inscrivez-vous ¨¤ la lettre d¡¯information en cliquant ici