P¨¨re Sauca: avant le synode, la veill¨¦e ?cum¨¦nique est un acte d¡¯humilit¨¦
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
La place Saint-Pierre sera le théâtre d¡¯une veillée ?cuménique historique samedi 30 septembre. Le Pape François et plusieurs responsables d¡¯Églises chrétiennes seront présents, comme le patriarche ?cuménique de Constantinople Bartholomée, le patriarche syro-orthodoxe d¡¯Antioche et de tout l¡¯Orient Ignace Ephrem II Karim, l¡¯archevêque anglican de Canterbury Justin Welby ou Anne Burghardt, secrétaire générale de la Fédération luthérienne mondiale, entre autres.
Des centaines de jeunes de 18 à 35 ans sont aussi attendus d¡¯Europe, d¡¯Amérique, d¡¯Afrique ou d¡¯Asie. Cet événement pré-synodal, souhaité tel quel par le Souverain pontife, est une idée de frère Aloïs de la communauté de Taizé qui en a l¡¯initiative, en collaboration avec les dicastères de la Curie romaine et le vicariat de Rome. Tous vont prier pour le travail de l¡¯assemblée du synode des évêques sur l¡¯avenir de l¡¯Église, dont la première session s¡¯ouvrira mercredi prochain 4 octobre et se poursuivra jusqu¡¯au 29 octobre.
Ce moment ?cuménique de recueillement et d'invocation à l'Esprit Saint montre comment l¡¯?cuménisme et le processus synodal peuvent être liés. Père Ioan Sauca, prêtre orthodoxe roumain, est l¡¯ancien secrétaire général du Conseil ?cuménique des Églises (COE), basé à Genève, et l¡¯ancien directeur de l¡¯Institut ?cuménique de Bossey en Suisse. Reçu en audience par le Pape le 30 juin dernier au Palais apostolique, il a suivi l¡¯organisation de la veillée et nous en relate la portée spirituelle pour l¡¯unité des chrétiens.
Quelle est la signification d¡¯un tel rassemblement ?cuménique à Rome, la veille d¡¯un synode des évêques catholiques?
Que les évêques catholiques aient besoin de la présence des autres responsables chrétiens est un signe d¡¯humilité et d¡¯extraordinaire modestie. Se dire que la plus grande Église en nombre de fidèles ait besoin de la présence des autres chrétiens me touche beaucoup. Toutes les démarches pour l¡¯unité des chrétiens commencent par la prière, qui nous donne l¡¯énergie pour aller plus loin. Ce n¡¯est pas la seule voie: l¡¯action concrète commune est aussi importante pour rendre Dieu présent au monde contemporain. Prier et faire des choses revient à marcher ensemble sur la base de nos valeurs chrétiennes.
Le Pape estime qu¡¯«il n'y a pas de synodalité sans ?cuménisme et qu'il n'y a pas d'?cuménisme sans synodalité». Pourquoi les deux sont-ils liés?
Comme orthodoxe, je suis touché par ce propos du Pape. En effet, il n¡¯y a pas d'Église sans synodalité. L¡¯Église orthodoxe établit cette relation très discutée entre primauté et synodalité. Tout au long de son pontificat, François insiste sur ce paradigme de marcher ensemble. Les autres confessions chrétiennes lui ont emboîté le pas. Le Conseil ?cuménique des Églises a ainsi adopté le paradigme de pèlerinage, de marche ensemble, même si nous ne sommes pas d¡¯accord en tout. C¡¯est très important car au début, les chrétiens, si nous lisons le IXe chapitre des Actes des Apôtres, n'ont pas été nommés chrétiens, mais «hommes de la voie du Seigneur». Cela signifie «ceux qui marchent ensemble sur la voie du Seigneur».
Plus tard, dans les écrits des Pères des Églises, sinodos veut dire marcher ensemble, sinodoi était le nom donné aux chrétiens. D'après Jean Chrysostome par exemple, sinodos est aussi le nom donné à l¡¯Église. Nous ne pouvons pas avoir une Église sans synodalité, et nous ne pouvons pas marcher ensemble sans ?cuménisme, en dépit de nos désaccords théologiques.
De votre point de vue, quelle relation entre le caractère synodal de l'Église et la primauté du Pape?
Qui décide? Le Pape ou le synode des évêques avec les fidèles? Cette discussion a lieu depuis des siècles. Du point de vue catholique, c'est le Pape avec son ministère, mais maintenant avec la synodalité, il écoute les autres. Il ne parle pas de lui-même, il est en collaboration et en consultation avec l'Église. Chez les orthodoxes, aucun patriarche ne peut parler sans consulter le synode. Le patriarche orthodoxe parle en son nom, mais ce dont il parle est toujours le résultat des discussions avec les autres évêques.
Le Pape François va même plus loin en incluant aussi le peuple de Dieu dans le processus synodal, pas seulement les évêques. L'histoire de la théologie montre comment, à la fin, le peuple de Dieu fait la réception des décisions des évêques prises par les synodes.
Cette démarche synodale est-elle un petit pas dans la voie vers l'unité des chrétiens?
D¡¯après les propositions et moi comme orthodoxe, bien sûr que je la vois comme une avancée extraordinaire. L'archevêque de Canterbury dit la même chose du point de vue anglican. Pour la plupart des chrétiens, il est très important d'avoir le peuple de Dieu qui fait partie de ce forum qui prend les décisions ou qui parle de la foi. Après des siècles de discussions sur la primauté et la conciliarité ou la synodalité, nous pouvons nous rapprocher les uns des autres.
Quel regard portez vous sur l'engagement ?cuménique du Pape François en particulier?
À la fin de chaque rencontre avec quiconque, chrétien ou non, le Pape demande à prier pour lui. J'ai été impliqué dans le dialogue du Pape avec le monde musulman, ayant abouti au Document sur la fraternité humaine signé avec le grand imam d'Al-Azhar en Égypte. Le Pape ne souhaitait pas y aller seul, il a impliqué le Conseil ?cuménique des Églises pour l¡¯y accompagner. Cela montre une ouverture et une humilité qui donnent une chance aux discussions ?cuméniques pour l'avenir. Si l¡¯on continue dans cette direction.
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