Un prêtre de Tchernihiv : pour nous aussi Ukrainiens, il y aura une résurrection
Pope
Un jour, les abris anti-bombes de Tchernihiv seront aussi vides que le tombeau du Christ au matin de Pâques. C’est du moins l’espérance du père Roman Hrydkovets, qui y a trouvé refuge avec ses paroissiens dès le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février dernier. Tchernihiv, capitale de la région du même nom, et située à la frontière avec le Belarus et la Russie, a été l'une des premières villes visées par l'offensive russe. Ses habitants, encerclés par l’armée russe et confrontés aux destructions incessantes de bâtiments administratifs et résidentiels, se sont réfugiés dans les sous-sols anti-aériens, comptant sur l’acheminement de l’aide humanitaire pour survivre. Le 5 avril dernier, l'armée russe s’est finalement retirée de la région, laissant Tchernihiv détruite à plus de 70%.
Une paroisse souterraine
Ordonné prêtre en 2021, le père Roman Hrydkovets a été envoyé à Tchernihiv en décembre dernier, pour y établir une nouvelle communauté gréco-catholique. «La paroisse n'existait alors que sur le papier (…). Il n'y avait encore rien : pas de gens, pas d'église, pas de terrain pour la construire», explique le jeune curé, lui-même originaire de Kiev, dans un sourire. Dès les premiers jours de la guerre dans le pays, il a fait le choix de vivre au plus près des habitants, dans les sous-sols de la ville.
Soutenir, par sa présence, les personnes croyantes ou non, les inviter à la prière, raconter des histoires aux enfants, ou encore réconforter ceux dont le cĹ“ur est rempli d'amertume : telle est la mission décrite par le père Roman. «Les gens ont commencé à se cacher dans des abris, et j'ai senti que ma mission était d'être avec eux», confirme-t-il. Les abris sont ainsi devenus la première «paroisse» de son ministère.
«La première nuit, du 24 au 25 février, je me suis rendu dans un grand abri, où il y avait beaucoup de monde. J'ai mis ma soutane, pris ma Bible et suis resté là avec eux, priant en silence. Je ne savais toujours pas ce que je devais faire exactement, mais j'ai commencé à faire connaissance avec les gens et à les inviter à prier ensemble», raconte-t-il. «Comme la plupart des gens ne sont pas pratiquants, je leur donnais une intention (par exemple, pour la paix) et une courte invocation "Dieu nous sauve !" à répéter dix fois. Il y avait aussi beaucoup d'enfants dans ces sous-sols. Les dessins sur les murs le montrent.»
Libération de Tchernihiv
Aujourd’hui, six jours après le retrait de l’armée russe de la région, ne reste plus dans les abris de Tchernihiv que ceux dont les maisons ont été détruites par les bombardements. «L'un de ces sous-sols est devenu un lieu de rencontre pour les familles avec enfants que j'ai rencontrées lorsque nous nous cachions des bombardements. Ils viennent chaque soir pour entendre à nouveau mes histoires. C'est devenu presque une tradition», exprime le père Roman.
La situation humanitaire de Tchernihiv, où l’accès au ravitaillement alimentaire a été coupé durant plusieurs semaines, demeure cependant particulièrement compliquée. Le jeune prêtre se remémore les moments les plus difficiles, où il a tenté d'apporter son soutien aux personnes ébranlées par la cruauté, la violence ou l'injustice du conflit. «Il est naturel que la colère vienne», se souvient-il. «Alors je me tenais à leurs côtés, je les laissais parler, puis je les invitais à prier Dieu de nous soutenir et de nous aider à nous libérer de l'attaque de l'ennemi».
Continuer de témoigner de l'amour de Dieu
À quelques jours de la fête de Pâques, le père Roman Hrydkovets souhaite que les abris antiaériens des villes d'Ukraine soient bientôt vides des habitants, à l’image du tombeau du Christ, ressuscité au matin de Pâques. «Le Christ a sauvé nos âmes et l'Église doit en témoigner en temps de paix comme en temps de guerre», déclare-t-il. Face au mal et à la souffrance qui existeront jusqu'à la seconde venue du Christ, la mission des chrétiens consiste selon lui à témoigner de l'amour de Dieu. Un amour qui n'est pas abstrait, et s'exprime aussi à travers l'amour de sa propre patrie et sa capacité à la défendre en cas de besoin, conclue-t-il.
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