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Andrea De Angelis - Cité du Vatican
Les tensions en Bosnie-Herzégovine inquiètent Bruxelles. Ces dernières semaines, l'administration américaine a annoncé de nouvelles sanctions contre le dirigeant serbe de Bosnie, Milorad Dodik, accusé de corruption et tenu pour responsable de la crise bosniaque, due aux tendances sécessionnistes de la Republika Srpska, l'entité à majorité serbe de Bosnie-Herzégovine. L'ex-Yougoslavie revient donc dans l'actualité le jour même du trentième anniversaire de la mission militaire de la FORPRONU, par laquelle les Nations unies entendaient protéger les populations impliquées dans le conflit entre les républiques de l'ex-Yougoslavie.
Cette mission est également liée à l'une des pages les plus sanglantes de la guerre dans ce pays des Balkans, puisqu'en juillet 1995, elle n'a pas réussi à protéger Srebrenica, qui avait été déclarée zone protégée deux ans plus tôt par une résolution spéciale des Nations unies. La milice de Ratko Mladic parvint à massacrer plus de 8 000 musulmans bosniaques dans cette ville.
Mgr Tomo Vuksic a été nommé archevêque de Sarajevo ¨C dont il était jusqu¡¯alors archevêque coadjuteur - le 31 janvier dernier, succédant au cardinal Puljic.
Excellence, l'Union européenne a exprimé sa profonde inquiétude quant à ce qui se passe en Bosnie-Herzégovine en ce moment. Cette préoccupation est-elle partagée par la population?
Nous sommes d'accord pour dire que nous sommes préoccupés, mais je ne sais pas si nous sommes profondément préoccupés. Certes, nous entendons de plus en plus parler d'armes, qui pourraient mettre en péril la paix, et il est donc légitime de s'inquiéter. Nous sommes également préoccupés par les différents processus politiques en cours, par les péchés d'omission de l'Union européenne elle-même. Je m'explique : trop d'années ont passé sans action politique ou législative, sans réformes. Or il faut des lois pour faire vivre l'État de droit, et pas seulement l'État réel. Les problèmes locaux, les choses non résolues, sont les principales questions.
Au cours de la dernière décennie surtout, le manque d'intervention a créé les conditions du sécessionnisme et de l'unitarisme, les deux processus politiques les plus inquiétants. On entend aussi parler de fédéralisation de la Bosnie-Herzégovine au sens suisse, c'est-à-dire de cantonalisation. Ce serait une voie médiane dans la réorganisation, mais nous ne savons pas où cela mènera. À mon avis, il y a un péché d'omission.
Serait-il utile que la communauté internationale intervienne pour achever un processus qui a déjà commencé? Pourrait-elle encore jouer un rôle central?
Je ne dirais pas central, mais certainement important. Plus incisif, plus clair. Les gens attendent cela. Le problème, ce sont les lois injustes, pleines de failles. Cela permet des manipulations, en fait des injustices. Nous assistons également à des manipulations électorales qui sont finalement légales, car la loi le permet. Depuis le début du monde, il y a eu des lois justes et injustes, ici il y en a plusieurs avec de nombreuses failles. Elles doivent être corrigées, portées à un niveau qui garantisse l'État de droit, dans le respect des prérogatives fondamentales de chaque personne, des prérogatives collectives, celles des peuples et des communautés religieuses.
Concernant le 30e anniversaire de la présence de l'ONU en ex-Yougoslavie, voudriez-vous rappeler à la jeune génération ce que ce conflit a signifié pour votre pays ?
Il y a trente ans, une guerre était sur le point d'éclater, dont on a parlé dans le monde entier. Depuis lors, beaucoup de choses n'ont pas été résolues, les problèmes continuent. Même au début du conflit, des forces militaires internationales étaient présentes. Les soldats se sont très bien débrouillés. Bien sûr, on parle aussi d'omissions, mais il serait injuste de ne pas se souvenir du bien qui a été fait. Ces soldats doivent être remerciés, ils ont sauvé de nombreuses vies. De nombreux hommes et femmes sont aujourd'hui en vie grâce à la présence de ces forces internationales.
Lors de l'Angélus de dimanche dernier, le Pape a souligné «combien il est triste que des personnes et des peuples qui sont fiers d'être chrétiens considèrent les autres comme des ennemis et pensent à se faire la guerre». Comment, dès alors, construire une véritable paix?
Le Pape nous montre le chemin, qui est le chemin de l'Évangile. Nos saints et les nombreux martyrs chrétiens nous montrent le chemin. Il existe de nombreux exemples, les voix de l'histoire qui sont pertinentes aujourd'hui. L'enseignement de Jésus est clair, nous sommes tous enfants de Dieu et nous devons être frères et s?urs. Malheureusement, beaucoup de gens n'appliquent pas ces mots. L'apostasie, au sens moral, est le problème. Comme le dit le Pape, c'est très triste parce que les gens se battent, ils pensent à la mort de l'autre. Cela se produit dans toutes les parties du monde, même avec des combats qui ont des formes différentes des conflits classiques. Un honnête homme ne comprend pas cela, il ne peut que prier et faire quelque chose pour changer la direction de l'histoire. La paix n'a pas d'alternative, elle ne peut pas en avoir. Tout ce qui n'est pas la paix est le mal, le bien dans nos vies est la paix. Le mal ne peut être accepté.
Cette semaine, vous serez à Florence pour la réunion des évêques et des maires de la Méditerranée. Le dialogue et donc la paix se construisent-ils aussi de cette manière?
Oui, ces rencontres sont utiles si elles sont guidées par l'idée de dialogue et de compréhension, et c'est certainement le cas à Florence. Cependant, il y a toujours un risque que certaines réunions finissent comme des mariages modernes, avec beaucoup de musique et de photos, mais la substance est nécessaire. Si nous avons un dialogue à Florence mais que nous ne l'avons pas le lendemain en rentrant dans nos pays respectifs, nous n'aurons pas atteint notre objectif. Le dialogue se construit dans les lieux où vivent des hommes et des femmes de confessions et de cultures différentes. Nous devons insister sur le dialogue, toujours.
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