Mgr Ravel: l¡¯Alsace, c?ur spirituel et proph¨¦tique de l¡¯Europe
Entretien réalisé par Delphine Allaire ¨C Cité du Vatican
En mai dernier, le Pape François avait nommé le cardinal Pietro Parolin légat pontifical pour présider la messe du dimanche 4 juillet en la cathédrale de Strasbourg, à l¡¯occasion du 1300e anniversaire de la mort de sainte Odile, patronne de l¡¯Alsace.
La pastorale européenne des diocèses de la région, l¡¯héritage spirituel de sainte Odile, les atouts du Concordat napoléonien, des visites de courtoisie auprès des instances européennes installées à Strasbourg ou encore l¡¯adoration perpétuelle ont été au programme du Secrétaire d¡¯État du Saint-Siège. Mgr Luc Ravel s¡¯en réjouit, il évoque à Radio Vatican la mission particulière de paix, dialogue et foi, incombant à l¡¯Alsace, et plus largement, au Bassin rhénan.
Comment avez-vous accueilli la présence du cardinal Pietro Parolin en tant que légat pontifical, représentant du Pape?
Il rend présent le Pape, il représente l¡¯attention de l¡¯Église pour un événement qui paraît local, le Jubilé de sainte Odile, patronne de l¡¯Alsace, mais qui en fait retentit sur l¡¯Église universelle ¨Clà est la vertu des saints. La présence et la parole du légat du Pape sont arrivées comme une grâce.
Dans son homélie dimanche, le Secrétaire d¡¯État du Saint-Siège a évoqué l¡¯exemple lumineux de sainte Odile pour notre temps. Que peut-elle enseigner à notre époque?
Il y a un contexte historique de violence, la pacification de l¡¯Alsace qui n¡¯était pas acquise, un climat de lutte, comme aujourd¡¯hui. Fille du duc d¡¯Alsace, Odile se situe directement aux confins du religieux et du politique, tout en agissant uniquement comme religieuse, chrétienne, et ensuite supérieure de son monastère au Mont Sainte Odile. C¡¯est un arrière-plan intéressant à rapprocher de nos jours, où nous avons à annoncer la Parole de Dieu dans un climat de violence, du moins en France.
La vie de sainte Odile illustre ensuite une réalité évangélique intemporelle, à savoir la puissance du baptême comme «illumination». Sainte Odile, née aveugle, ouvre les yeux le jour de son baptême, à l¡¯adolescence. Elle est considérée comme la patronne des aveugles et malvoyants. Et le fait qu¡¯elle retrouve la vue le jour de son baptême est un lien surnaturel, un message intemporel qui est le suivant: nous, baptisés, recevons une lumière que nous avons à diffuser. Cette lumière s¡¯appelle la mission.
Que lien unit aujourd¡¯hui sainte Odile aux Alsaciens, comment se manifeste la piété populaire à son égard?
C¡¯est une piété redécouverte grâce à la pandémie. Jusqu¡¯alors, les Alsaciens montait au Mont Sainte-Odile, lieu où elle a vécu, construit son abbaye au sommet sur une plateforme vertigineuse, où elle est morte. La pandémie nous a donc contraint à modifier notre façon de vivre le Jubilé. Au lieu d¡¯inviter les paroisses à monter au sanctuaire, une camionnette avec les reliques de sainte Odile parcourt l¡¯Alsace. Cela permet à d¡¯autres personnes que les adorateurs qui viennent régulièrement, de découvrir cette sainte. Son succès populaire est remarquable dans les paroisses. «Vous ne pouviez pas monter à sainte Odile, sainte Odile vient jusqu¡¯à vous». Nous poursuivons cette religion populaire dont parle le Pape François grâce à cette camionnette qui sillonne l¡¯Alsace depuis mars.
Le cardinal Pietro Parolin est aussi venu honorer les 90 ans de l¡¯adoration perpétuelle au Mont Sainte-Odile. Qu¡¯apporte-t-elle à l¡¯Église d¡¯Alsace?
Un socle surnaturel. Il faut arrêter de penser l¡¯Église uniquement dans l¡¯action, car la fondation est l¡¯adoration, c¡¯est le premier des commandements de la Loi de Dieu: «Tu adoreras ton Seigneur». Une adoration souvent secrète, de nuit. Sauf cas de pandémie, elle n¡¯avait jamais été interrompue depuis 90 ans, même pendant les guerres.
Dimanche, le Secrétaire d¡¯État a aussi appelé l¡¯Europe à retrouver l¡¯espérance, parlant de la perte du sens des racines. Avec toutes ses particularités, l¡¯Église d¡¯Alsace est-elle investie d¡¯une mission en cela?
Dans la rencontre avec les autorités alsaciennes pendant une heure, le cardinal nous a réconforté car nous lui avons brutalement posé la question du Concordat: est-ce obsolète ou prophétique? Il a répondu de façon très net, disant que ce que nous vivons appartient à l¡¯Église, et encouragé à ce que l¡¯Église continue d¡¯avancer dans ce sens. Il a précisé que ce Concordat conclu il y 220 ans est le premier accord des temps modernes de ce type entre l¡¯Église et un État.
Outre le Concordat, à quelle vocation est appelée l¡¯Alsace pour préserver la foi en Europe?
La situation géographique et historique, depuis 15 siècles, ont fait de l¡¯Alsace une zone centrale en Europe. Nous sommes appelés à vivre l¡¯Europe des coutures, des frontières devenues coutures. Des fleuves, comme le Rhin, qui ne soient plus des occasions de séparation mais de rencontre. Une des vocations de l¡¯Alsace, et donc de l¡¯Église en Alsace, est de construire la région par du «transfrontalier», en particulier avec l¡¯Allemagne et la Suisse.
Cette microrégion européenne du Rhin supérieur, de Stuttgart à Bâle en passant par Strasbourg, est, on l¡¯oublie assez souvent, la plus forte au plan économique de toute l¡¯Europe. Tout comme l¡¯on oublie que l¡¯Histoire a voulu que le Rhin soit plus souvent un principe d¡¯union que de séparation, à tel point que le diocèse de Strasbourg enjambait le Rhin. Toute cette réalité historique et géographique manifeste à l¡¯Alsace sa vocation de construire l¡¯Europe par une pastorale transfrontalière.
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