Malawi : la lettre des ¨¦v¨ºques en marge du Car¨ºme
Paul Samasumo - Cité du Vatican
Fidèle à la lettre de 1992, la nouvelle lettre pastorale, dans un langage simple et direct, cherche à réveiller les consciences des dirigeants politiques du Malawi et celles de ses citoyens. Les évêques souhaitent que les Malawites examinent attentivement leur société et entament éventuellement une conversation sur l'orientation de leur pays pour les trente prochaines années, voire au-delà.
Tout avait commencé le 8 mars 1992, lorsque les évêques catholiques du Malawi ont pris la décision inédite de contester publiquement le régime autoritaire de l'État à parti unique du président Hastings Kamuzu Banda. La lettre de Carême de 1992 a été la première critique publique du président Kamuzu Banda au Malawi. C'était une attaque cinglante et, comme prévu, elle n'a pas été bien accueillie par le gouvernement de Kamuzu Banda. Les évêques ont été publiquement vilipendés et menacés. Pendant un certain temps, on a craint pour la sécurité de certains d'entre eux.
Trois décennies plus tard, les mêmes vices
«L'environnement actuel dans lequel vit la population du Malawi peut être décrit comme très déshumanisant. Aujourd'hui, un grand nombre d'hommes, de femmes et d'enfants, comme Lazare dans l'Évangile (Luc 16, 19-31), croupissent dans une pauvreté abjecte, tandis que la richesse et le luxe profitent à quelques-uns qui ne se soucient pas des conditions déshumanisantes de la majorité», déclarent les prélats malawites dans la nouvelle lettre pastorale.
Les évêques sont irrités par le fait que trois décennies plus tard, le pays n'a pas fait de progrès et se débat toujours avec les mêmes maux. «Il est triste qu'une génération plus tard, nous soyons aux prises avec les mêmes vices. En fait, il est regrettable que ces vices, que les évêques catholiques ont condamnés il y a trois décennies, soient devenus encore plus profondément enracinés et qu'ils déchirent notre société et notre nation tout en maintenant la grande majorité dans une pauvreté extrême. Si nous ne faisons pas attention en tant que nation, nous nous dirigeons vers un désastre social», ont averti les évêques.
Un appareil judiciaire indépendant
Les évêques dénoncent également la détérioration des services d'éducation et de santé, ainsi que la difficulté du système judiciaire à affirmer son indépendance. L'impression que le système judiciaire administre parfois la justice de manière sélective en faveur des personnes favorisées et puissantes de la société malawite est particulièrement préoccupante.
Il y a eu des accusations selon lesquelles le pouvoir judiciaire lui-même est impliqué dans la corruption ¨C allégations que le pouvoir judiciaire nie avec véhémence ¨C.
Toutefois, les évêques reconnaissent les aspects positifs de cet organe vital du gouvernement. «Dans ce domaine, nous devons applaudir le pouvoir judiciaire qui, à plusieurs occasions récemment, a démontré qu'il agit avec l'indépendance requise et attendue de lui. Toutefois, comme cela a toujours été le cas, il existe malheureusement des personnes dont les actions, les décisions et les jugements menacent de ternir l'image du système judiciaire. Le pouvoir judiciaire doit toujours se rappeler qu'il a un rôle clé à jouer dans l'administration de la justice et surtout dans la lutte contre la corruption», expliquent les évêques. Ils rappellent au pouvoir judiciaire de "veiller à ce que les affaires de corruption soient accélérées et à ce que chacun soit traité de manière équitable et similaire devant la loi".
Mener une véritable lutte contre la corruption
L'évaluation globale de la corruption dans le pays par les évêques catholiques va mettre les politiciens mal à l'aise : les évêques en sont conscients. Ils critiquent l'indécision du président Lazarus Chakwera face aux questions de corruption. Ils veulent qu'il fasse preuve de volonté politique et de leadership politique exécutif. Pour un gouvernement qui a fait campagne sur la lutte contre la corruption, le message des évêques est un reproche qui devrait appeler à une nouvelle stratégie. «Nous pensons qu'un Président qui a fait campagne sur une plateforme de lutte contre la corruption, et qui a promis de s'attaquer au vice, ne gardera aucun de ses ministres et collaborateurs lorsqu'il y a suffisamment d'informations sur leur implication dans la corruption», ont déclaré les évêques.
Une réponse gracieuse du gouvernement
Soucieux d'éviter un conflit total avec les évêques catholiques, comme ce fut le cas en 1992, le gouvernement du Malawi s'est montré gracieux cette fois-ci, même face à une lettre pastorale aussi critique. Le ministre de l'information et porte-parole du gouvernement, Gospel Kazaka, a déclaré aux médias locaux que le gouvernement du président Chakwera était «reconnaissant aux évêques catholiques d'avoir été ouverts en signalant les problèmes de gouvernance». Il a ajouté que le gouvernement malawite s'occupait des questions soulevées par les évêques.
Traduction de l'anglais par Donatien Nyembo SJ
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